Reconnaissance de l’Etat de Palestine : Il était temps. Et maintenant ? 

29 Sep 2025

Après avoir tergiversé pendant des années, le Président de la République a enfin annoncé reconnaitre l’Etat de Palestine, lors de l’Assemblée générale de l’ONU, le 22 septembre dernier. 

Cette reconnaissance est un acte fort, symbolique qui résonne chez les dizaines de milliers de militantes et militants qui ont lutté en ce sens depuis des années. La France rejoint enfin les 157 autres pays membres de l’ONU ayant reconnu la Palestine. Un mouvement mondial s’est opéré pour reconnaitre aux Palestiniens le droit à disposer d’un territoire, le droit à l’autodétermination. 

Jusqu’ici, la France considérait que le temps n’était pas venu. Le Président refusait, bottait en touche, reculait, freinait, esquivait. Toutes les excuses étaient bonnes. Il aura fallu une famine, une destruction quasi complète de Gaza, et un génocide pour que le chef de l’Etat daigne faire un pas. 

Il aura fallu le pire après plusieurs guerres entre 2009 et 2023, une colonisation régulière qui écrase et humilie le peuple palestinien.

Mais au-delà de cette déclaration officielle et de cet engagement qui sont à saluer, le fond du discours du Président est troublant voire trouble, et démontre qu’il ne fait toujours pas sienne la cause palestinienne, c’est un doux euphémisme.

Sa première phrase, et ce n’est évidemment pas un hasard, porte sur la libération des otages israéliens, détenus par le Hamas depuis le 7 octobre 2023. Nous avons toutes et tous traumatisés par cette attaque terroriste. Il ne s’agit ni de la minimiser ni de l’oublier. Mais débuter un discours sur la reconnaissance de l’Etat de Palestine par cet événement est pour le moins impudent. C’est nier la longue tragédie palestinienne, c’est nier que ce conflit n’a pas débuté à cette date et qui fait de cette reconnaissance une nécessité absolue, promise depuis des années. 

Le soutien inconditionnel de la France à Israël explique cette priorité diplomatique dans la déclaration présidentielle. Même lors de ce moment solennel tant attendu, pour honorer la Palestine, Macron ne peut s’empêcher d’évoquer longuement Israël, par peur de blesser son allié de toujours.

On ne connait que trop l’hostilité de Netanyahou à la reconnaissance d’un Etat qu’il veut anéantir, et Macron veut le préserver, et veut se préserver d’une accusation d’antisémitisme, récurrente et sans cesse brandie lorsqu’on ose évoquer la Palestine. Les autorités israéliennes prévoient d’ailleurs des représailles et des coups de semonce qui violeront encore le droit international. Netanyahou se sait soutenu par Donald Trump et n’a que faire des voix critiques qui émergent au sein même de la société israélienne.

Il y a ce que Macron a dit, et surtout ce qu’il n’a pas dit. Et ce qu’il ne prononce pas au sujet de la Palestine et Gaza est glaçant et révélateur. Aucun d’entre nous ne s’attendait à ce qu’il emploie le terme de génocide, ayant déjà expliqué qu’il considérait que seuls les historiens étaient légitimes à le faire. Pour autant, a minima, aurait-t-il pu user du terme de colonisation ou d’occupation. Pas un mot non plus sur le blocus subi par Gaza depuis 2007, que tente de briser une flottille pacifiste pour y apporter de l’aide humanitaire. Pas un mot sur la libération des prisonniers politiques palestiniens. 

De même, si désarmer le Hamas est une nécessité, comme évoqué dans la déclaration d’ Emmanuel Macron, le président n’a pas le même allant s’agissant de l’armée israélienne. Macron condamne légitimement le Hamas mais ne dit mot sur la politique meurtrière de Netanyahou. 

Ne pas le faire est un signe diplomatique assumé, un choix politique, un quitus donné au gouvernement israélien, une nouvelle fois. Il omet sciemment de préciser que le dirigeant israélien est sous le coup d’un mandat d’arrêt international prononcé par la Cour pénale internationale pour crimes de guerres et crimes contre l’humanité. Il omet de rappeler que l’Etat israélien est poursuivi pour crimes de génocide à la Cour internationale de justice.

Tant que la France ne reconnaitra pas ces éléments objectifs, de l’existence d’un Etat agresseur d’un côté, et d’un Etat colonisé de l’autre, tant que la France n’appellera pas à des sanctions pour en finir avec l’impunité d’Israël, tant que par la voix du Ministère de l’Intérieur, la France empêchera de façon schizophrénique des Maires de dresser un drapeau palestinien en solidarité, cette reconnaissance de l’Etat de Palestine risque de rester un bout de papier diplomatique, pour se donner bonne conscience, prélude bien fragile et minimaliste pour un chemin vers une paix juste et durable. 

La reconnaissance de l’Etat de Palestine n’est pas un cadeau, ni une récompense. C’est un droit inaliénable, universel, fidèle aux principes universels qui fondent le droit international.

Il appartient désormais et à nouveau aux militants et militantes, à tous les progressistes du monde entier de continuer à se mettre en mouvement pour aller plus loin que cette déclaration et obtenir l’existence pleine et entière de la Palestine. 

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