Tel un élève appliqué de l’école libérale, Sébastien Lecornu, impassible, a déroulé son programme macroniste dans sa déclaration de politique générale, sans relever la tête, comme s’il ne voulait pas voir le Parlement en face.
Celui qui avait annoncé sa démission, trois semaines après avoir été nommé, et quatorze petites heures après avoir formé son gouvernement, a été renommé de force par le Président de la République. Ce scénario ubuesque, montre d’une part, l’absence d’autres candidats, tant la macronie est à l’agonie, et d’autre part, que Macron sait pouvoir compter sur son plus fidèle soldat pour effectuer la sale besogne
Sans surprise, aucun changement de cap n’est fixé par rapport à ses nombreux prédécesseurs pour le prochain budget. Avec la même obsession, la même rengaine et les mêmes solutions : notre pays croulerait sous la dette, Bruxelles exige une réduction du déficit public, nous n’avons pas le choix, il faut réduire les dépenses publiques. 30 milliards d’économies sont prévus, avec notamment l’augmentation des impôts avec le gel des barèmes, l’année blanche pour les prestations sociales ou encore la fin de l’abattement fiscal de 10% en faveur des retraités.
Conscient du rapport de forces au sein de l’Assemblée Nationale, Lecornu 2 fait mine de concéder quelques miettes notamment en annonçant la suspension de la réforme des retraites bien loin de l’abrogation portée par les forces de travail depuis 2023.
S’il a échappé, de peu à une censure immédiate et est parvenu à fracturer les bancs de la gauche dans l’hémicycle, le premier ministre n’arrivera pas à masquer très longtemps sa ruse perfide. La fameuse suspension de la réforme des retraites se traduira sous forme d’amendement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Mais ce projet prévoit aussi 7 milliards d’euros d’économie sur les hôpitaux, les patients, les médicaments. Une véritable cure d’austérité catastrophique pour notre système de santé et de protection sociale.
Et c’est là que le double piège se referme : il est certain que le Sénat ne votera pas la suspension des retraites et que la commission mixte paritaire où la droite est majoritaire la rejettera à son tour. Fin de l’histoire. Le tout sans 49.3 !
Mais si elle arrivait à survivre au passage du Sénat et de la CMP, pour que cette mesure entre en vigueur, c’est l’ensemble du projet de loi qui devra être adopté. Pour que le vœu de la suspension s’exauce, c’est tout le poison qui doit être bu. Une concession symbolique pour le pouvoir, a minima, pour des dégâts sociaux beaucoup plus importants.
Et rien sur la taxe Zucman ou sur les 211 milliards d’euros versés aux grandes entreprises sans contrepartie, ni transparence, ni évaluation. Au sommet de la tour d’ivoire de l’Etat, on préfère ignorer ces propositions financières, qui se sont imposées dans le débat public mais qui risquent de fâcher les alliés du capital. Dans la logique présidentielle, il vaut mieux pourrir la vie de millions de Français plutôt que de se mettre à dos 1800 ultra-riches… à l’instar de Bernard Arnault dont le cours de l’action a bondi en un seul jour de 19 milliards d’euros.
Les forces de progrès doivent prendre leurs responsabilités pour dénoncer cette entourloupe parlementaire, expliquer les dangers qui pèsent sur nos services publics, nos collectivités par un énième budget austéritaire. Exigeons plus de justice sociale et fiscale dès la prochaine mobilisation le 6 novembre.
Plus le rapport de force dans la rue sera fort, plus le mur fragile de cette suspension se fissurera. Faisons de la bataille budgétaire, une bataille populaire pour suspendre définitivement ce gouvernement et ouvrir un chemin d’espoir.