Soutien aux mobilisations agricoles

18 Déc 2025

En France, la crise agricole s’installe durablement.

Un an après de vastes soulèvements qui avaient pris de court le gouvernement, les mobilisations reprennent contre le protocole étatique de gestion de la Dermatose Nodulaire (DNC), avec le soutien de la Confédération Paysanne, la Coordination Rurale et le Mouvement des Exploitants Familiaux (MODEF). 

Selon les informations gouvernementales, cette maladie a été détectée pour la première fois de l’année, le 29 juin, en Savoie. 

Depuis l’été, le ministère de l’agriculture a mis en place un protocole sanitaire que beaucoup considèrent comme inféodé aux considérations économiques : à partir d’un individu malade dans le cheptel, l’abattage intégral du troupeau est imposé.

La ministre n’évoque même pas la procédure mise en place en 1991 à la Réunion, qui s’était confrontée pour la seconde fois de son histoire à une vague de DNC. Une réaction sanitaire rapide, comprenant une lutte contre les insectes vecteurs et la vaccination généralisée, avait permis d’enrayer l’épidémie en moins d’un an sur l’île. 

La vaccination préventive et généralisée, comme l’abattage ciblé, ont été rejetés dès l’été, alors que selon une étude de l’Autorité européenne de sécurité des aliments publiée en 2016, cette stratégie est la plus pertinente pour réduire la propagation du virus. 

Alors pourquoi cet entêtement du ministère, qui reste sourd à l’incompréhension et au désarroi d’une majeure partie du monde agricole, et va jusqu’à envoyer des forces de l’ordre gazer et réprimer les travailleur.euse.s qui demandent à être associé.e.s aux décisions ?

La principale raison, c’est que ces dernières années, la France était « indemne » de cette maladie : les exportations n’étaient donc pas affectées, alors que la mise en place d’une stratégie de vaccination préventive aurait complexifié les flux en les soumettant à des délais et vérifications sanitaires. 

Ainsi, les agriculteurs dénoncent une instrumentalisation de l’outil vétérinaire pour privilégier la stratégie d’export des grands exploitants. 

Il nous faut prendre la mesure de la violence que constitue l’abattage de centaines de bêtes saines, dont les carcasses sont mises à la benne comme de vulgaires déchets, alors que les troupeaux résultent bien souvent d’un travail de sélection et de soins menés sur des années par les éleveur.euse.s. 

Cela, d’autant que cette crise intervient alors que reviennent au Parlement Européen les débats autour du traité de libre échange avec les pays du MERCOSUR, que je n’ai de cesse de combattre, qui vont encore plus affecter la filière bovine. 

Emmanuel Macron était revenu sur son opposition à cet accord mais, pris de court par les mobilisations agricoles, il avait été contraint de demander à la Commission Européenne un report de l’examen du texte. 

Mais la vigilance reste de mise puisque les faits nous ont démontré qu’aucun crédit ne peut être accordé à la parole gouvernementale.

Le monde agricole et paysan est loin d’être homogène : il est fracturé par de profondes inégalités, car s’y côtoient des partisans de l’agro-business, qui empochent chaque année de généreux bénéfices, et des travailleur.euse.s agricoles – majoritaires – qui travaillent dans des conditions difficiles, peinent à boucler les fins de mois et sont pris à la gorge par les dettes, contribuant à un taux de suicide alarmant dans la profession.  

La gestion de la DNC est une parfaite illustration de ces mondes agricoles qui s’affrontent : le protocole satisfait les exploitations acquises à l’export, minoritaires mais qui ont l’oreille exclusive de la droite et du gouvernement, et mécontentent celles se destinant à la distribution locale. 

Et dans cette complexité, les artisans de la division prospèrent. 

La FNSEA, acquise au libre-échange et à ce protocole, joue un double jeu permanent en faisant mine de protéger l’agriculture française après avoir poussé à l’intensification des productions et à la multiplication des exportations, quand certains membres de la Coordination Rurale tentent de détourner la colère contre les normes sociales et écologiques, pourtant protectrices avant tout pour les agriculteurs. 

Pourtant, une seule origine réelle à toutes ces difficultés : le capitalisme mondialisé dont se nourrit l’agro-business.

Nous ne pouvons considérer que cette nouvelle mobilisation est ponctuelle, et qu’une simple reprise du protocole de gestion de la DNC – si elle reste un prérequis – réglera définitivement cette question. 

En effet, la colère du monde agricole qui s’exprime résulte d’une crise structurelle qui traverse le monde paysan, qui subit une pression à la baisse des prix permanent alors que les coûts augmentent, le tout aggravé par un contexte de concurrence déloyale.  

Elle ne pourra se résoudre à coup de gaz lacrymogènes ou d’une fuite en avant avec les traités de libre-échange, et encore moins à coup de mépris gouvernemental hermétique aux revendications de toutes les catégories de la profession, dont une grande partie sont malades d’un système qui les asphyxie économiquement et détourne les yeux de leurs conditions de travail, et de leur santé.  

Notre modèle agricole majoritaire n’a rien de raisonné : il pousse une partie des paysan.ne.s à s’endetter, à se tuer au travail quand ce ne sont pas les produits phytosanitaires qui les rendent malades par manque d’information. 

Cette crise appelle des mesures globales et urgentes pour poser les jalons d’une véritable reconquête de notre souveraineté alimentaire et agricole, et d’une réponse aux impératifs commandés par les dérèglements climatiques. 

Epizooties, gestion de l’eau, modèle d’exploitation : tout est à revoir pour adapter la production agricole à la hausse des températures.

Par ailleurs, la question du renouvellement de la population agricole est un enjeu cardinal puisque 100 000 d’entre eux vont partir en retraite dans moins de dix ans. 

Afin d’éviter une concentration toujours plus grande des terres aux mains de fonds financiers, les objectifs de formation, de facilitation de la transmission des exploitations et de soutien à de jeunes producteur.ice.s doivent être traité urgemment. 

Le MERCOSUR, comme les autres traités de libre-échanges, ne doit pas être mis en œuvre, et notre agriculture doit être protégée d’une compétition déloyale, et cessée d’être tournée exclusivement vers les intérêts de l’agro-business. 

La question de la recherche publique doit également être remise au cœur des débats : depuis la présidence de Nicolas Sarkozy, les gouvernements successifs ont raboté les capacités de la recherche indépendante sur les épizooties, comme la DNC, et ont poussé à intégrer dans les raisonnements scientifiques de considérations purement économiques.

Enfin, les fonds de la PAC doivent être maintenus et renforcés pour promouvoir un virage agro écologique qui ne laisse aucun travailleur.euse.s de la terre sur le bord de la route, et qui permette de travailler au désendettement des exploitations, comme à l’amélioration urgente du revenu agricole. 

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