Beaucoup de bruit pour rien

14 Mai 2025

Trois heures.. trois longues heures. Sans raison particulière ou agenda particulier, mais plutôt un rendez-vous destiné à expliquer et défendre sa politique, dans un contexte social et politique complexe depuis la dissolution de juin dernier.

Sous un format inédit et se voulant plus interactif et dynamique avec l’intervention de personnalités, le Président de la République voulait en faire un exercice de communication originale pour s’adresser aux Françaises et aux Français. 

Pourtant, en réalité, ce format ne présageait rien de bon puisque étaient mis sur le même plan, la secrétaire générale de la CGT et un influenceur au discours viriliste et sexiste. 

Quant au maire d’extrême droite, choisi pour représenter les collectivités alors que cette tendance représente moins de 5% des 35 000 édiles municipaux en France,  il n’a pas évoqué les difficultés budgétaires des communes, liées aux politiques successives, et n’a abordé les questions sécurité que sous un angle sécuritaire, fidèle à sa matrice, mais loin de représenter les préoccupations des Maires. Le président Macron donne en tout cas quitus au logiciel sécuritaire et réactionnaire. Renforcement des pouvoirs de la police municipale, enfermement de détenus dans des prisons étrangères et soutien à la réforme de la justice proposée par Gérald Darmanin qui remet en cause un certain nombre de droits des justiciables.

La journaliste Salomé Saqué s’est vue, quant à elle, réduire son temps de parole consacré à l’écologie en raison des aléas du direct, comme un symbole d’un sujet majeur sacrifié, malgré les beaux discours gouvernementaux. 

Au-delà de l’exercice d’autosatisfaction sur une politique de l’offre qui aurait enrayé le chômage et développer l’emploi industriel, quand les faits et les 400 plans de licenciement disent le contraire, le locataire de l’Elysée a réaffirmé sa volonté de poursuivre sa politique qui n’entraine pourtant qu’austérité et casse sociale. 

Exit la nationalisation d’ArcelorMittal, comme demandé en direct par la secrétaire nationale de la CGT, faisant suite à un rassemblement le jour même devant le siège de l’entreprise. Les 600 suppressions d’emplois et le risque de voir s’envoler des savoir-faire, de désindustrialiser un peu plus le pays et de déstabiliser de nombreuses autres entreprises qui ont besoin d’acier. Au-delà de son refus, Macron ne propose rien pour sortir de la crise. ArcelorMittal qui a bénéficié d’aides publiques peut faire ce qu’il veut, en toute impunité. Les forces sociales et politiques progressistes ne laisseront pas faire. Avec ou sans Mittal, la France doit garder ses hauts-fourneaux et avancer vite vers la décarbonation. 

Alors que les chiffres qu’il égrenait semblaient incontestables car dits sur un ton péremptoire (« la retraite à 60 ans, c’est 28 milliards »), le président s’est positionné comme un guide, celui qui donnerait les bons conseils. Les crises, réelles (Covid, guerre en Ukraine), auraient entravé sa politique. Celui qui a dissout l’Assemblée nationale et se voit privé de majorité ne serait donc responsable de rien.  

Près d’un an après, le gouvernement, illégitime, peine à faire adopter ses réformes et l’intervention du Président a été plutôt le reflet de cette impuissance. Pourtant, il promet de faire mieux d’ici 2027 et renouvelle sa confiance au Premier Ministre, dans l’affaire Bétharram… 

De nombreux sujets ont été abordés. De la fin de vie, au voile du sport, au financement du modèle social, mais aucune annonce concrète, aucun engagement, ne serait-ce que sur les référendums qu’on nous présentait comme pouvant être une sortie d’impasse. 

Si la diplomatie est une prérogative élyséenne, Emmanuel Macron l’a revendiqué avec force pour sa gestion du dossier ukrainien. L’exercice est périlleux sur ce sujet sensible et il est évident que chaque initiative qui fera cesser les armes et trouver une solution politique sera bienvenue. Ce ne sera probablement pas le cas dans une course aux armements et à une économie de guerre qui ne dit pas son nom. A la veille d’une nouvelle tentative pour faire respecter un cessez-le-feu, Macron là aussi, est resté flou, sans cap clair permettant d’avancer avec les autres puissances vers la paix. 

Quant à Gaza, si le Président s’est montré critique vis-à-vis de la politique menée par Netanyahou et ‘’bouleversé’’ par la crise humanitaire entrainant une famine sans précédent dans l’enclave, il a refusé d’employer le terme génocide, estimant que ce n’était pas à un responsable politique de le faire…  Ce refus de nommer revient à nier la réalité de la situation. Refuser d’utiliser le terme de génocide, qui serait un débat juridico-historique, c’est laisser le massacre se poursuivre. Il aurait pu reprendre la proposition de son ministre des Affaires étrangères de suspendre l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël, il a préféré dépolitiser le processus en cours d’un drame qui ne serait qu’humanitaire.

A quelques semaines de la possible reconnaissance de l’Etat de Palestine par la France lors de la conférence internationale de l’ONU, c’est clairement un manque de reconnaissance des Palestiniens dont a faire preuve le Président. 

En résumé, cette émission intitulée Les défis de la France aurait pu s’appeler les défis du Président pour convaincre la France. Force est de constater que le chemin est encore long et périlleux pour y parvenir et que le Président est de plus en plus isolé dans ses choix. 

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