Comme à son habitude et à sa préférence monarchique, Emmanuel Macron a inauguré le 8e sommet Choose France dans la galerie des glaces du Château de Versailles. C’est évidemment le symbole du rayonnement qui justifie le choix du lieu. Mais derrière ce qui brille, la réalité est parfois plus complexe.
Cette rencontre annuelle est, selon la doxa élyséenne, un moyen de faire venir les grandes entreprises transnationales en France. Symboliquement, le choix de l’anglais vient traduire l’insertion dans le commerce mondial, la France n’étant que le lieu de réception des capitaux.
Fidèle à la conception du ruissellement, la venue des capitaux permettrait de développer les richesses qui pourraient être ainsi réparties. Mais il suffit d’écouter le président de la République dans la langue de Shakespeare pour comprendre que cette théorie est surtout la face publique de son programme de casse sociale. Baisse des cotisations et des impôts pour les grandes fortunes, réforme des retraites, casse des services publics, modération salariale : voici comment l’hôte de l’Elysée vend l’attractivité française. Tout un programme impopulaire et largement rejeté par les travailleurs du pays, dans la rue et dans les urnes mais fierté de ses annonces devant le grand capital.
Venons-en aux faits maintenant. Le président de la République se targue de créer de l’emploi avec 1025 projets d’investissements annoncés. Pourtant, ce sont trente postes en moyenne qui sont créés loin des moyennes en Allemagne et en Espagne qui dépassent la centaine. Les projets d’investissement concernent souvent des extensions sur des sites déjà existants. Les créations de postes ne doivent pas enfin masquer des soldes négatifs au global comme dans le secteur automobile ou la chimie. Dans les 37 milliards d’euros annoncés, 17 sont issus du dernier sommet international sur l’intelligence artificielle (IA). Cette dernière somme servira à la création de data centers, ce qui ne constitue pas un levier d’emplois conséquent et fait l’impasse sur les dangers d’un développement tous azimuts de l’IA.
Même si Emmanuel Macron déclare que l’Europe reste le pôle de stabilité et de sécurité pour investir, il est en décalage avec les réalités de notre époque. Les marchés voient d’un mauvais œil la situation politique intérieure française, considérée comme instable et avec des comptes publics jugés dangereux. Il faudrait donc accélérer la saignée et l’austérité pour satisfaire des institutions financières dont la crédibilité se mesure aux mesures prises en faveur du capital.
La deuxième erreur présidentielle consiste à croire en l’idée que répondre aux exigences du marché suffira pour réussir le pari des investissements. Les grandes entreprises transnationales privilégient le marché étatsunien pour s’attirer les bonnes faveurs de Washington comme l’a démontré le plan d’investissement massif déployé par Joe Biden avec l’Inflation reduction act. L’investissement annoncé par Sanofi à hauteur de 20 milliards aux Etats-Unis comme le camouflet sur le désengagement d’Arcelor Mittal sur les sites français en sont la preuve. La politique de l’offre avec notamment 200 milliards d’aides publiques aux entreprises (sans contreparties) n’a pas porté ses fruits. Le décalage entre Choose France et la dure réalité des milliers de salariés laissés sur le carreau est révoltant.
La Chine et d’autres puissances émergentes investissent largement dans les secteurs industriels considérés comme prioritaires avec des fonds publics afin de s’assurer une autonomie jugée stratégique. La France et l’Union européenne pourraient s’inspirer du rapport Draghi qui appelle les dirigeants du Vieux Continent à agir pour investir massivement dans les secteurs stratégiques. Ce rapport reste évidemment dans une logique libérale et ne remet pas en cause le carcan austéritaire mais pose une question fondamentale : les Européens veulent-ils être spectateurs de l’histoire ?
Il n’y aura pas d’industrie sans niveau élevé de qualification ni de soutien public aux filières d’avenir comme l’énergie, le numérique. Les services publics sont partie prenante de cette stratégie et ne sont pas un obstacle, contrairement à ce que la doxa libérale tend à diffuser. Pour financer ces ambitions, la réorientation des fonds alloués aux aides publiques, l’utilisation du crédit d’impôt recherche pour soutenir l’emploi et la formation sont autant de leviers pour choisir un développement économique et social ambitieux, répondant aux exigences sociales et écologiques, constituent le vrai choix.
Le courage politique est là, loin des sommets de communication dans les salons dorés.