Près d’un mois s’est écoulé depuis les révélations de Médiapart sur les violences physiques et sexuelles au sein de l’école Notre-Dame de Bétharram. Situé à quelques kilomètres de Pau, dont François Bayrou est Maire depuis 2014 et ancien Président du Conseil Général des Pyrénées Atlantiques, cet établissement avait déjà avant ces révélations et les témoignages glaçants de victimes, une réputation ‘’sulfureuse’’.
Dans le Sud-Ouest, l’évocation du nom de cet établissement était brandie comme une menace pour y envoyer les enfants ‘’pas sages’’… Bien évidemment, sans se douter, que la réalité était bien pire que les rumeurs.
Tout le monde savait … sauf François Bayrou. Celui qui est aujourd’hui premier Ministre continue de nier, tout en reconnaissant finalement que lorsqu’il était Ministre de l’Education Nationale, à l’époque des premières alertes, il « avait fait tout ce qu’il pouvait ». Ne pas être au courant mais agir quand même, c’est très fort !
Au-delà de l’effroi qui nous saisit toutes et tous devant ce nouveau scandale de violences sexuelles sur mineur.es, au-delà du constat une nouvelle fois d’un problème global et systémique et de l’omerta qui règne, c’est l’attitude du Premier Ministre qui est purement scandaleuse. Certes, il n’est pas l’auteur de ces violences et n’est pas responsable des humiliations, des châtiments et des viols qui ont été commis par des prêtres, des surveillants. Mais il savait. Tout. Pas uniquement le ‘’moins grave’’. Il ne pouvait pas ne pas savoir alors qu’accessoirement sa femme y était enseignante et plusieurs de ses enfants scolarisés. Une plainte vient d’être déposée pour non-dénonciation de crime et délit.
Alors que tout l’accable, il continue de nier, ‘’les yeux dans les yeux’’, droit dans ses bottes, notamment face à la représentation nationale. Que Bayrou ne se soit pas rendu compte à l’époque de l’ampleur de ces violences, qu’il ait mis du temps à réaliser, qu’il n’ait pas agi pour y mettre un terme, qu’il ait cherché à protéger cette institution catholique, soit… mais qu’il continue aujourd’hui à nier ses responsabilités, à mentir, est une nouvelle violence infligée aux victimes qui ont eu le courage de parler.
Le Premier Ministre aurait pu, aurait dû adopter une autre attitude, plus digne. Celle du mea culpa et de la prise en compte des traumatismes persistants des 200 victimes jusqu’ici recensées et de la nécessaire reconnaissance de ce qu’elles ont subi.
Comment accorder encore du respect et du crédit à un homme incapable de se remettre en cause sur des faits aussi graves ? Nous sommes face à un double scandale d’Etat, tant sur ces violences qui ont été couvertes pendant des années à plusieurs niveaux que sur l’attitude du chef du gouvernement.
Depuis le mouvement #Metoo, les violences sexuelles à l’encontre des femmes sont davantage dénoncées. Chacun a pu prendre conscience de la massivité de ce phénomène, lié au patriarcat, et présent dans toutes les sphères de la société.
A l’instar de ce mouvement, les violences sexuelles commises sur les mineurs sont également désormais reconnues, avec en ce moment même, le procès de Joel le Scouarnec, plus grand pédocriminel de ces dernières années.
La création de la CIIVISE (Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants) en 2021 avait particulièrement mis en lumière et étayé cette réalité, notamment grâce au travail de l’emblématique juge Edouard Durand.
Nous aurions pu croire qu’enfin des mesures allaient être prises. Mais ce travail a été brutalement arrêté en plein vol, avec l’éviction du juge Durand, sur décision du gouvernement en 2023, sans doute parce que le juge faisait trop bien son travail. Depuis, après plusieurs déboires laissant les victimes sur le carreau, la CIIVISE a repris ses activités. Parallèlement et à défaut d’avoir nommé un ou une Ministre sur cette question, le gouvernement a évoqué l’idée de créer un Haut-Commissariat à l’enfance, sans doute pour tenter de se rattraper et de se donner bonne conscience. Mais de quels moyens et de quelle la marge de manœuvre disposera t-il ? Et si ce Haut-Commissariat est aussi productif que le Haut-Commissariat au Plan conduit toujours le même Bayrou pendant 4 ans, nous avons de quoi être très inquiets.
Avec l’affaire Betharram, l’enjeu n’est pas une attaque contre une institution privée catholique, élitiste, même si après le scandale du lycée Stanislas, il y aurait de quoi s’interroger…
L’enjeu n’est pas non plus un règlement de comptes politiques qui exigerait la démission du Premier Ministre.
Nous sommes dans bien autre chose. Un scandale d’Etat où des enfants ont été agressés, violés, au vu et au su de toutes et tous, et en premier lieu par le 1er ministre actuel qui ment éhontément à tout le pays.