Arcelor doit vivre avec ou sans Mittal

30 Avr 2025

Y a-t-il encore un avenir pour la sidérurgie en France et en Europe ? À cette question posée dans la commission d’enquête sénatoriale sur l’utilisation des aides publiques par les grandes entreprises, le président d’ArcelorMittal France, Alain Le Grix de La Salle, répondait avec force: « Nous croyons fermement à l’avenir de l’acier en Europe. » Bien loin de ces déclarations, les faits démontrent tout le contraire. Le géant de l’acier exploitait 22 hauts-fourneaux en Europe il y a seulement douze ans. Aujourd’hui, il n’en reste plus que ll en activité, dont trois en France. Et l’avenir pourrait rapidement s’assombrir à l’horizon 2030 si les investissements pour décarboner les hauts-fourneaux tardent à venir…

Rappelons qu’il y a cinq ans déjà les entreprises sidérurgiques se sont engagées à réduire de 30% leurs émissions de gaz à effet de serre dans les dix prochaines années, avec pour effet de s’affranchir de la volatilité des prix et de leur dépendance aux énergies fossiles. Produire demain un « acier vert » que les clients seront prêts à payer plus cher sera un atout compétitif. Pour cela, les États ont été encouragés par la Commission européenne à appuyer les efforts de la transformation de l’outil industriel. À Dunkerque (Nord), c’est un projet de plus de 1,8 milliard d’euros pour décarboner les deux hauts-fourneaux. La France s’est engagée à hauteur de 850 millions d’euros à travers son agence, l’Ademe. L’appel a été largement entendu. Et pourtant rien ne se passe.

La direction d’ArcelorMittal retarde la décision d’investir depuis plus de trois ans. Elle évoque, tour à tour, le prix de l’énergie, la non-protection douanière aux frontières européennes, mais aussi la compétition avec l’acier chinois ou le manque de visibilité de la réglementation européenne, malgré le plan d’action sur l’acier dont le dernier date de mars 2025. Si certains sont entendables, comme le prix de l’énergie, d’autres ressemblent à des prétextes. Si la Chine est effectivement le premier producteur mondial, son acier est davantage tourné vers son marché intérieur. Notre principal concurrent est surtout l’acier indien, pays de l’actionnaire principal, Mittal. C’est d’ailleurs en Inde, comme au Brésil, que la multinationale investit massivement dans de nouveaux outils industriels, et non pas en Europe. C’est également en Inde que les 636 emplois supprimés annoncés la semaine dernière en France, essentiellement de la matière grise et des fonctions support, seront délocalisés. Les fonctions support pour bâtir la ligne à haute tension entre la centrale de Gravelines (Nord) et le site de Dunkerque, indispensable pour sa décarbonation, sont-elles concernées ? Auquel cas Arcelor-Mittal sait déjà qu’il n’investira jamais…

Si c’est le cas, l’État français ne peut pas rester spectateur, les bras ballants, se contentant d’appeler à la « vigilance ». Il doit demander des comptes car, comme l’a révélé la commission d’en-quête, ce groupe est largement sous perfusion d’argent public. Jamais, jusqu’alors, le PDG n’en avait révélé les montants faramineux: 298 millions d’euros en 2023 dont 195 concernent l’énergie, 4 millions pour les investissements, 10 millions pour le Feder (Fonds européen de développement régional), 40 millions pour le CIR (crédit d’impôt recherche), 6 millions pour le chômage partiel longue durée, 41 millions pour les allégements de charges et 2 millions pour l’apprentissage. Ces chiffres sont à mettre en comparaison avec les 17 milliards de fonds propres, les 600 millions de dividendes versés l’an dernier aux actionnaires ou encore les 12 milliards de rachats d’action en quatre ans.

Il faut donc que le ministre de l’Economie et des Finances convoque d’urgence le PDG d’ArcelorMittal et pose les bonnes questions. Si Arcelor Mittal ne compte pas investir, alors il faut sérieusement envisager la nationalisation, comme nos voisins britanniques l’ont fait, et arrêter impérativement toutes subventions publiques. Oui, il y a un avenir pour Arcelor, avec ou sans Mittal. Produire de l’acier en France et en Europe est un enjeu stratégique et souverain.

Ce 1er Mai doit être celui de la solidarité avec toutes les travailleuses et tous les travailleurs menacés par des plans de licenciement ou des délocalisations. Ce 1er Mai doit être celui du combat pour les salaires, les conditions de travail, le sens du travail débarrassé des logiques financières et capitalistiques. Et, au-delà, ce 1er Mai doit être celui de la lutte pour la paix, la justice sociale et écologique et contre toutes les idées d’extrême droite, de division et de racisme.

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