« Toutes les limites de l’Etat de droit ont été violées ». C’est par cette phrase ubuesque que Nicolas Sarkozy a commenté sa propre condamnation, dans l’affaire du financement libyen sponsorisé par le dictateur Khadafi pour la campagne des élections présidentielles de 2007.
Loin de se repentir, l’ancien Président de la République a choisi le déni, la victimisation et l’opprobre jetée à la justice. Personne n’est surpris par cette attitude sarkozyste, caricature d’elle-même, mais elle est lourde de sens.
Tout d’abord, elle constitue une attaque frontale contre la justice, pilier de notre démocratie. L’indépendance de la justice est remise en cause par le plus haut personnage de l’Etat, dans notre organisation institutionnelle.
Cette attaque entraine, voire légitime, qu’on le veuille ou non, les pires réactions publiques avec des magistrats et des juges qui sont jetés dans l’arène de la haine en ligne et sont aujourd’hui ciblés par des menaces de mort. Notre soutien est sans faille et les auteurs de 24 faits pour l’instant doivent être retrouvés et jugés.
Dans son offensive, Nicolas Sarkozy s’en prend également au travail journalistique qui a permis de révéler au grand jour ces soupçons de corruption, après des années d’enquêtes étayées.
Dans un contexte où la liberté de la presse est menacée avec de plus en plus de procédures bâillon, l’attitude de l’ancien président est une ultime provocation. Le geste de son épouse, à la sortie du procès, jetant la bonnette du micro de Médiapart, sans un mot mais avec un sourire cynique et méprisant, est à ce titre d’une violence acide et dit leur haine d’une presse libre et indépendante de tout pouvoir politique et de l’argent Roi.
Sarkozy est donc allé se réfugier dans les bras de son ami Bolloré, pour clamer son innocence. Le propriétaire du JDD lui a offert quatre pages d’entretien exclusif, dans son journal dont Sarkozy est par ailleurs, administrateur du groupe.
Tous les alliés politiques et médiatiques de l’ancien chef de l’Etat tiennent la même rengaine s’insurgeant de cette condamnation honteuse. Les médias des milliardaires viennent à la rescousse d’un des leurs, preuve supplémentaire de la collision entre certains médias et le pouvoir politique.
Alors qu’une décision de justice vient de le condamner, Sarkozy choisit une stratégie consistant à déplacer le problème. Faire oublier les faits pour lesquels il était convoqué par la justice, pour hurler au complot, à l’acharnement, à l’assassinat politique.
Cette nouvelle condamnation vient s’ajouter à une liste déjà fournie ( Affaire des écoutes pour lequel il est condamné définitivement, Affaire Bygmalion en attente de pourvoi en cassation donc présumé innocent ) et intervient quelques mois après celle de Marine Le Pen (en attente d’un procès en appel) multiple candidate aux élections présidentielles notamment. Cela conforte encore un peu plus celles et ceux qui ont sombré dans le ‘’tous pourri’’ s’agissant de la classe politique. Elle contribue au dégoût de la chose publique et à éloigner encore davantage les élus des citoyens, ces derniers ne pouvant que constater les combinazione politico-financières au plus haut sommet de l’Etat.
Cette décision de justice est historique, parce que pour la 1ère fois un ancien président va être incarcéré. Mais elle est surtout historique car elle vient rappeler que tout citoyen est égal devant la loi. Même Nicolas Sarkozy. Dans un tribunal, les réseaux d’influence, les coups de pression ne servent à rien. La loi est dure mais c’est la loi comme dit l’adage.
Enfin, comment ne pas s’interroger et se demander dans quel monde, un homme condamné en première instance pour association de malfaiteurs, se pavane dans les tribunes d’un match de foot, dès le lendemain ? Certes dans les faits, Nicolas Sarkozy reste libre encore quelques jours. L’éthique aurait pourtant supposé un peu de discrétion et d’humilité. L’ancien Président a choisi le pied de nez pour ne pas dire le doigt d’honneur adressé à toutes celles et tous ceux qui veulent en finir avec l’impunité.
A celui qui entendait karchériser les banlieues pour en finir avec les voyous, à celui qui prônait une tolérance zéro, une politique pénale répressive et des peines plancher, à l’arroseur arrosé, la vie lui montre qu’il y a une justice dans ce pays, même pour la délinquance en col blanc.