Dissolution du PKK : et maintenant ?

16 Mai 2025

Le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) a annoncé sa dissolution, consécutive à son congrès, qui s’est tenu début mai dans les montagnes du Kurdistan irakien où était regroupé l’essentiel de l’état-major de la force politico-militaire. C’est un événement majeur dans la vie politique et sociale en Turquie mais au-delà pour tout le Moyen-Orient. 

Après des mois de tractation, de reprise d’un processus de paix avec Ankara, le PKK a fait sien le récit d’une lutte armée devenue désuète et illégitime. Les membres fondateurs, avec Abdullah Öcalan à sa tête, considèrent désormais que la lutte du peuple kurde doit se mener par la voie civile, par des voies démocratiques. La reconnaissance des droits des Kurdes, culturel et politique, n’est certes pas acquise mais elle est devenue incontournable dans le paysage politique national en Turquie. 

Le soulagement et la joie étaient déjà très présents en février dernier dans les territoires régions kurdes de Turquie lors de l’annonce de ce processus. Nul doute que ces sentiments sont encore renforcés.

Après des décennies d’affrontements armés entre l’armée turque et le PKK, il est d’évidence de rappeler le terrible bilan humain : plus de 44 000 morts, des millions de déplacés, des familles meurtries par une guerre d’usure et une répression sanglante menée par les autorités turques. 

Après être passé de la lutte pour l’indépendance à celle d’un confédéralisme démocratique, le PKK, organisation principale des Kurdes de Turquie, ouvre un chemin d’espoir mais qui répond à un épuisement de la société turque. Alors qu’ils représentent près de 20% de la société turque, que des millions de Kurdes vivent dans les grandes villes de l’Ouest d’un pays en profonde mutation économique et sociale, l’enjeu d’un affrontement militaire n’est plus d’actualité. Ni les jeunes Kurdes ni les jeunes Turcs ne veulent poursuivre l’engrenage mortifère.

Pour autant, ce processus se fait dans un Moyen-Orient en profond bouleversement avec le changement de régime en Syrie, le projet expansionniste d’Israël et l’influence des pétromonarchies. La Turquie n’est pas en reste dans cette même région puisqu’elle essaie d’assoir une visée néo-ottomane. 

Plusieurs défis se posent désormais. Le PKK a répondu à la demande d’Ankara de déposer les armes avant toute avancée. Le président Erdogan doit désormais avancer des propositions sur les droits des Kurdes…dans un contexte de restriction des droits et de pratiques autoritaires. Des maires de DEM (gauche prokurde) sont destitués dans l’Est du pays et le principal opposant, maire d’Istanbul, Ekrem Imamoglu est emprisonné pour le motif fallacieux de terrorisme. Il ne peut y avoir d’avancée pour les Kurdes sans cadre de libre expression pour toute la société turque. Si la répression se renforce sur les forces de gauche, syndicales, associatives, l’engrenage de la violence ne sera pas dépassé.

Qu’en sera-t-il du désarmement du PKK ? La question des armes n’est pas anodine surtout avec le risque de propagation de celles-ci dans la région où les tensions sont encore réelles. 

Le désarmement pose aussi la question de l’avenir des combattants. La question de la libération de ceux qui sont détenus et le retour à la vie civile pour ceux exilés dans les montagnes irakiennes n’est pas un sujet anodin. La libération d’Abdullah Öcalan, des autres combattants du PKK mais aussi des élus du DEM dont Selahattin Demirtaş sont des actes indispensables.

Les forces démocratiques évoquent même un changement constitutionnel pour acter une reconnaissance officielle des droits des Kurdes. 

En roublard de la vie politique turque, M.Erdogan peut tout à la fois donner des gages à son aile conservatrice et la plus radicalisée dans la mouvance islamo-nationaliste et créer une fracture entre la gauche prokurde et le reste du champ politique, plus marqué par un nationalisme turc.

Quoi qu’il en soit, le pari des forces progressistes et démocrates turques est de s’unir et de gagner les consciences sur de nouveaux rapports sociaux qui sortiraient enfin les Kurdes d’une marginalité ou d’une illégitimité nationale. 

A une échelle plus régionale, les Kurdes des pays voisins verront-ils leur situation s’améliorer ? En Syrie, ils ont été incorporés au nouveau schéma institutionnel même s’il reste beaucoup d’incertitudes sur la nature du pouvoir d’Ahmed Al-Charaa.  

Enfin, alors que le PKK était considéré comme organisation terroriste par l’Union européenne, ce classement est désormais caduc. Il faut en finir avec les sanctions contre les militants kurdes basés en Europe et agir pour favoriser le dialogue et la reconnaissance des droits des Kurdes. La France doit être au rendez-vous de l’histoire.

Les défis sont donc nombreux et il reste beaucoup à faire pour réaliser le projet d’un Moyen-Orient démocratisé, respectueux des droits des peuples.

Articles les plus lus

Thèmes associés

Dans la même catégorie

Beaucoup de bruit pour rien

Beaucoup de bruit pour rien

Trois heures.. trois longues heures. Sans raison particulière ou agenda particulier, mais plutôt...

Dans les autres catégories