Dominique Bernard, Samuel Paty: la République ne vous oubliera pas

16 Oct 2025

En octobre 2020, Samuel Paty était poignardé et décapité en sortant du collège où il travaillait. Près de trois ans plus tard, c’était au tour de Dominique Bernard d’être sauvagement assassiné devant son lycée.  

Ces deux actes terroristes ont provoqué une très vive émotion dans tout le pays : deux hommes ont été ciblés, car ils exerçaient le métier de professeur, car ils enseignaient la liberté, la réflexion, la critique, soit des valeursexécrées par les obscurantistes, en l’occurrence ici, islamistes qui honnissent l’instruction publique et la liberté académique. 

Les idéologies d’extrême droite qu’elles que soient leur nature, ont cela en commun : la haine des objectifs d’émancipation par le savoir que portent et incarnent les communautés éducatives.

Et pour cause, les principes républicains et laïcs permettent de lutter durablement contre les projets de société qu’ils tentent d’imposer, fondés sur la violence, les inégalités, la guerre aux sciences et le refus de toute forme de liberté individuelle et collective. 

Ces assassinats ont laissé les communautés éducatives sidérées et endeuillées, et nous obligent : il est urgent que les pouvoirs publics soutiennent pleinement notre service public d’enseignement laïc pour éviter que ces tragédies ne se répètent. 

Si chaque enseignant.e. et élève a le droit de se sentir en sécurité et protégé.e. contre toute forme d’idéologie mortifère, la réponse à ces deux drames ne peut se résumer à un discours d’ordre. 

Si le ministère de l’Education Nationale et les ministres successifs veulent dépasser la communication politique et exprimer un véritable soutien aux enseignant.e.s, l’hommage doit se faire avec la communauté éducative et non en se défaussant sur les équipes enseignantes.  

Car la solitude et le mal-être quotidien invoqués par les professeur.e.s ne tiennent pas tant à la menace islamiste, qu’à un abandon progressif de leur profession par les pouvoirs publics. 

Ce qui les impacte en premier, c’est la casse de leur statut, leur stigmatisation qui va de pair avec l’absence de reconnaissance de leur profession comme de soutien de leur hierarchie, la dégradation permanente de leurs conditions de travail et de la multiplication des injonctions contradictoires, comme la surdité du ministère à leur revendications qui se multiplient. 

Car nous n’oublions pas d’autres drames qui ont touché des membres des communautés éducatives : Mélanie Grapinet, AED assassinée sur son lieu de travail, à Carole Grandjean, victime de lesbophobie abandonnée par sa hiérarchie qui a mis fin à ses jours, à Agnès Lasalle et de toustes les autres…

Depuis maintenant des dizaines d’années, les moyens alloués au service public d’éducation sont réduits à peau de chagrin, contraignant les communautés éducatives à toujours faire plus avec moins de budget. 

Pour assurer une instruction publique qui émancipe les élèves, respecte les communautés éducatives et forge une société immunisée contre tous les obscurantistes, encore faut-il lui donner les moyens de fonctionner et que la parole politique ne vienne pas complexifier leur métier. 

Ces deux assassinats ont été le théâtre de nombreuses instrumentalisations de la droite et de l’extrême droite, qui se drapent de manière opportuniste du principe de laïcité pour légitimer le processus de stigmatisation d’une partie de la société, contribuant encore à flouter les contours de cette notion aussi fondamentale que complexe. 

Et ce sont les enseignant.e.s qui paient les pots cassés, en se confrontant à nombre d’élèves pour lesquels la laïcité, un principe fondateur et foncièrement émancipateur, peut être accusé d’être devenu un vecteur d’oppression. 

Respecter la mémoire de Samuel Paty et Dominique Bernard, deux hommes attachés aux savoirs et à leurs métiers, nous commande de lutter contre toute récupération nauséabonde de ces tragédies. 

Notre école publique, fragilisée, ne peut affronter seule tous les maux qui traversent notre société. 

De la diffusion virale de fausses informations, à la dégradation de la santé mentale, les parcours brisés de jeunes et de familles précarisés constituent des terreaux fertiles pour des passages à l’acte. Les comprendre, ce n’est pas les excuser. C’est les regarder en face, et cesser de sous-estimer les menaces ou le niveau d’agressivité que subissent les enseignant.e.s. 

Les actions menées depuis pour lutter contre la désinformation en ligne, la surexposition aux écrans, les programmes de soutien psychologique sont autant de campagnes intéressantes qui s’attaquent aux symptômes des violences, mais qui ne suffiront pas alors que les difficultés socio-économiques s’accumulent à l’aune d’une multiplication des réformes anti-sociales. 

Au moment où les extrêmes droites œuvrent pour imposer leur vision réactionnaire du monde et asphyxier l’école de la République, par la guerre aux sciences, le soutien au développement du privé ou en vassalisant l’enseignement technique et professionnel aux besoins du marché, l’urgence est à renforcer et financer à hauteur des besoins l’instruction publique et laïque, qui soutient, respecte et accompagne ses enseignant.e.s. 

Pour combattre l’obscurantisme, la meilleure des réponses est de créer les conditions d’une société libre et d’individus émancipés. La promotion des savoirs, la mise en pratique d’une citoyenneté et d’une école ouverte sur son environnement sont indispensables. C’est l’esprit qui animait Samuel Paty et Dominique Bernard.

Articles les plus lus

Thèmes associés

Dans la même catégorie

Dans les autres catégories