Les députés de droite et du RN viennent de décider qu’il n’y aura pas de débat sur la loi « visant à lever les contraintes liées au métier d’agriculteur » dite loi Duplomb.
En renvoyant le texte directement à la commission mixte paritaire, la macronie, la droite et le Rassemblement national s’allient pour contourner une nouvelle fois la Constitution et empêcher tout débat…
Après les 49.3 sur la réforme des retraites et sur les budgets, cette nouvelle manœuvre politicienne est anti-démocratique et dangereuse.
Faute de majorité au sein de l’Assemblée pour faire passer des textes rétrogrades, le gouvernement use de toutes les stratégies pour passer en force, obtenir gain de cause, au risque de fragiliser un peu plus la démocratie et le Parlement.
Les désaccords doivent au contraire pouvoir s’exprimer, le Parlement doit pouvoir examiner ce texte et les amendements déposés pour le modifier.
Le renvoyer à une CMP, sorte de conclave biaisé, est un acte de lâcheté politique, qui donne raison à la pression menée par les lobbys agricoles.
Ce texte adopté au Sénat, en janvier dernier, a suscité de vraies confrontations dès le début. Il est emblématique d’une opposition duale qui devrait être dépassée, au nom de l’intérêt général. D’un côté, celles et ceux qui estiment que la proposition de loi va permettre d’améliorer les conditions de travail des agriculteurs, en réduisant les normes, en simplifiant les réglementations… De l’autre, celles et ceux qui estiment qu’elle va à l’inverse avoir un impact environnemental et sanitaire dévastateur, notamment avec la réintroduction de pesticides, famille des néonicotinoïdes.
Il ne s’agit pas d’être pro ou anti agriculteur. La dureté de ce métier est indéniable. Leur pérennité est menacée avec une perte de compétitivité avérée de ce secteur, par rapport à d’autres pays concurrents.
En vingt ans, la France est passée du deuxième au sixième rang des exportateurs mondiaux. En vingt ans, nos importations agricoles ont plus que doublé, avec des filières de la volaille et du porc par exemple, en grande difficulté qui ont enregistré, depuis 2021, une baisse respective de 10 % et de 8 % de leur production. En cinquante ans, nous avons perdu les trois quarts de nos agriculteurs. Celles et ceux qui continuent ce dur labeur, sont le plus souvent endettés avec des revenus totalement insuffisants. La moitié des agriculteurs partirait à la retraite dans les dix ans à venir, posant un enjeu majeur de renouvellement des actifs.
La colère paysanne et la crise agricole sont réelles et des réponses doivent être apportées pour répondre à ce malaise. La loi Chassaigne, augmentant les pensions de retraite agricoles, a été une avancée qui a fait l’unanimité. Cette loi démontrait l’enjeu des revenus des agriculteurs qui exigent légitimement d’être payés au juste prix. Ce sont davantage les centrales d’achat, la grande distribution, la dérégulation internationale qui sont en cause, plus que des normes écologiques. On peut comprendre que l’enjeu du revenu soit important mais cessons de l’opposer à l’enjeu environnemental surtout quand l’on sait que les pesticides et autres produits chimiques ont des impacts sur la biodiversité et sur… la santé des agriculteurs et de leurs proches.
La loi Duplomb marque, elle, un terrible recul d’un point de vue écologique et ne réglera pas les problématiques du monde agricole. D’ailleurs, sauf quand il s’agit de faire un coup d’éclat, ces libéraux et autres souverainistes prétendus défenseurs du peuple défendent toujours cette Union européenne libérale. Celle qui a fait baisser les productions agricoles, qui valorise les traités de libre-échange favorables à l’agrobusiness. L’exemple le plus frappant se trouve dans l’allégement des études environnementales et des contrôles qui sera avantageux avant tout pour les grands exploitants.
Les néonicotinoïdes ont été interdits en 2018 en France suite à des alertes sérieuses et diverses, sur la santé humaine et celles des abeilles. Réautoriser leur usage est une aberration et déjà un scandale sanitaire. C’est aussi un symbole du déni scientifique comme l’ont réaffirmé mille d’entre eux dans un appel il y a quelques jours.
Il faut pouvoir en discuter, il s’agit d’une question essentielle dont l’Assemblée Nationale ne peut être privée, au risque sinon d’en porter une lourde responsabilité pour notre écosystème. Nos concitoyens ont soutenu la lutte des travailleurs de la terre et sont en même temps conscients de la nécessaire adaptation de notre production aux questions environnementales. Cessons d’opposer les combats.