Négocier un accord inégal après une partie de golf. Voilà à quoi est rendue cette Commission européenne dont la présidente Ursula von der Leyen affirmait au début de son premier mandat en 2019 qu’elle serait géopolitique.
Six ans ont passé et l’errance a constitué la ligne de conduite d’une Union européenne toujours décalée par rapport aux enjeux et aux réalités de ce monde.
En actant un accord sur les droits de douane qui fait la part belle au capital étatsunien, l’Union européenne a acté sa vassalisation. Depuis le 2 avril dernier, « jour de la victoire » proclamé par Donald Trump, le monde est sommé de répondre aux injonctions d’un capital étatsunien qui veut imposer ses conditions économiques. Cette politique commerciale agressive vise à réaffirmer la prééminence de Washington sur le monde alors que les puissances économiques émergentes remettent en cause son hégémonie. Elle veut très concrètement imposer des débouchés intérieurs à l’Oncle Sam et à faire payer sa politique monétaire.
Alors que le coup de marteau initial a provoqué des réponses diverses, les nouveaux pôles d’attractivité économique ne s’en sont pas laissé compter. Les efforts de la Chine, du Brésil ont été par exemple payants puisque Washington a reculé même s’il a clairement placé ces deux Etats comme des acteurs hostiles sur le marché international.
L’Union européenne a d’emblée affirmé une riposte bien molle et nombre de chefs d’Etat européens dont Georgia Meloni pour l’Italie, Vitkor Orban pour la Hongrie, soit l’axe d’extrême droite européen, tentaient de négocier individuellement. Il serait donc facile de ne vilipender que la seule Commission européenne car les chefs d’Etat ont leur mot à dire. Il faut dire que ces derniers n’avaient pas une position commune de par la nature de leurs économies respectives entre des Etats très dépendants de l’exportation vers les Etats-Unis comme l’Allemagne et d’autres qui mettaient en avant la dimension davantage politique. Les dirigeants d’extrême droite se félicitent d’un accord inégal alors qu’il sera terrible pour les industries européennes. Des économistes annoncent d’ores et déjà une dizaine de milliers d’emplois qui seront supprimes en France. Voilà le vrai visage de ces nationalistes qui servent le capital au détriment des travailleurs. Rappelons que ce genre d’accords inégaux ont été déjà été imposés par les Européens aux Etats africains ou des Caraïbes. C’est donc l’Europe qui se retrouve dans le mauvais rôle.
Au final, l’Union européenne va voir ses droits de douane passés de 2% à 15% sur un certain nombre de marchés. Mais l’essentiel du « deal » passé entre Von der Leyen et Trump consiste en l’achat massif par les Européens (pour plus de 700 milliards) d’hydrocarbures (gaz naturel liquéfié et gaz de schiste). Voilà de quoi financer la politique d’énergies fossiles de Washington alors que le Vieux Continent se targue d’être une zone écolo-compatible avec le Green Deal…C’est surtout la confirmation que les Européens vont alimenter l’autre machine industrielle des Etats-Unis que constitue le complexe militaire puisque les engagements ont été pris pour acheter 600 milliards d’équipements.
Il est plus que temps d’arrêter cette mascarade. Les chefs d’Etat européens doivent prendre leurs responsabilités. Il peuvent refuser cet accord, dont les termes n’ont toujours pas été dévoilés, en Conseil européen qui est l’instance décisionnaire. Alors que François Bayrou a qualifié cet accord de jour sombre, Emmanuel Macron en appelle à « être craints ». Des formules creuses qui masquent mal le fait que personne ne veut assumer un affrontement ou même une quelconque voix divergente vis-à-vis de Washington. Le Parlement doit être saisi à la reprise de la session parlementaire avec un débat puis un vote. Ce ne peut être que la seule solution pour clarifier les positions et conférer un mandat clair à l’exécutif.
Quelles que soient les divergences de nature capitalistes des Européens, il semble que la mise sous parapluie étatsunien fasse consensus parmi ceux-là même qui appellent au réveil européen. Ils ne reprennent pas les préconisations du rapport Draghi, qui n’est pourtant pas un adepte d’un socialisme européen, pour investir massivement dans l’économie de la recherche et réussir le pari d’une nouvelle industrialisation. L’autonomie, la souveraineté et l’adaptation au changement climatique sont sacrificiés au nom d’un occidentalisme mal placé. En se comportant comme tel, les autres puissances feront à l’Europe ce que Washington vient de faire.
Le reste du monde n’est pourtant pas une jungle et il reste un espace où les Européens peuvent développer un modèle de justice sociale, démocratique et à teneur écologique. C’est dès maintenant qu’il faut réorienter l’argent de la Banque centrale pour développer des fonds d’investissement à dimension économique, sociale et écologique, prémisses d’un nouvel âge des services publics. Il est également possible de bâtir des traités mutuellement avantageux entre les parties, hors des logiques libérales et de moins disant social et environnemental.
Cette nouvelle soumission de Bruxelles et des chefs d’Etat démontre que les capitalistes n’ont que faire des intérêts des peuples. Une refondation des institutions européens est plus que jamais nécessaire pour bâtir une Europe des nations et des peuples souverains.