Cette année 2025 continue à nous surprendre… et ce n’est pas pour le mieux.
En ces temps de crise démocratique, sociale et économique que traverse la France depuis de longs mois et que les propos antiféministes se multiplient jusqu’à Brigitte Macron, le RN, jamais avare de faux débats et de buzz, propose de rouvrir les maisons closes. Jean-Philippe Tanguy, député de la Somme, s’est donc dit que la priorité pour la nation, c’était de remettre au goût du jour ces établissements fermés depuis 1946.
Cela pourrait presque prêter à rire si le sujet n’était pas si grave.
Manifestement le RN n’a pas pris soin de regarder les retours d’expériences des pays voisins qui ont mis en place des systèmes idoine et en reviennent peu à peu, et les témoignages glaçants de rescapées de ces établissements.
Cette proposition véhicule une image fantasmée et glamourisée de la prostitution. Dans le monde merveilleux qu’ils nous dépeignent, l’établissement serait en auto-gestion, dans une forme de coopérative…
Dans ce raisonnement, pas de domination capitaliste ou patriarcale, pas de violences de genre, pas de proxénètes, pas de filières internationales de traite des êtres humains et d’exploitation sexuelle.
Pour le RN, les personnes prostituées, qui restent majoritairement étrangères, privées de droits, seraient à égalité avec le client, et pourraient les recevoir, tranquillement, chez elles, dans leurs maisons closes, en proposant une tasse de thé.
Car derrière les discours relativistes, les chiffres restent : la prostitution entraine des assassinats, des viols, des agressions de toute sorte, et se trouve être l’une des formes les plus extrêmes des violences faites aux femmes : et comment faire changer durablement la société et faire reculer les violences de genre, notamment dans le couple et dans les familles, si les hommes peuvent s’en extraire moyennant paiement ?
En bref, pour Tanguy, les personnes prostituées sont en danger à l’extérieur, la solution est de les mettre à l’intérieur et par conséquent de laisser tranquille les clients ! Voilà qui arrangerait bien ces Messieurs, car en réalité, la réouverture de ce genre d’établissement répond bien davantage à une demande des clients des prostituées qu’à un impératif de protection.
Avec le RN, le patriarco-capitalisme a de beaux jours devant lui !
Ce n’est pas un hasard si, dans l’immense majorité, les clients sont des hommes et de l’autre, les personnes prostituées des femmes et minorité de genre : la prostitution est un miroir grossissant des systèmes de domination et d’exploitation qui structurent notre société.
En réalité, la proposition du RN emprunte à l’idéologie libertarienne où les individus devraient établir des relations entre eux comme si tout se valait.
Après tout, si quelqu’un est prêt à payer une prestation sexuelle et qu’une autre personne est prête à accepter cette somme, pourquoi s’en mêler ? Mais n’en déplaisent à ces idées prétendument de « bon sens », les relations privées entre personnes sont aussi politiques et doivent être soumises aux règles qui régissent notre société. Le fait de ne pas marchandiser le corps en fait partie.
Rouvrir les maisons closes serait imaginer encore une nouvelle forme de prostitution, qui se draperait d’une certaine légalité, alors que la France a fait le choix d’une orientation contraire, notamment en pénalisant l’achat d’acte sexuel depuis 2016, dans un système qui reste déjà largement imparfait, laissant beaucoup de personnes dans le besoin au bord de la route.
Le RN véhicule une vision déformée, un parfum d’antan du soi-disant ‘’plus vieux métier du monde’’, alors que la prostitution est un phénomène complexe, qui se déploie déjà bien au-delà de la seule forme ciblée par le texte : elle se développe sur les plateformes, elle s’ubérise, elle se redessine dans des Air BNB à l’abri des regards.
Plutôt que de chercher à combattre les proxénètes, à démanteler les réseaux de traites, à lutter contre la prostitution des mineurs, à augmenter les budgets pour permettre des parcours de sortie de prostitution avec des dispositifs d’insertion, pour offrir d’autres perspectives aux victimes, Jean-Philipe Tanguy ouvre un bien piètre débat et cherche à se parer d’habit social et pseudo-féministe. Pour une fois qu’il s’intéresse aux femmes, c’est pour les enfermer ! Quelle modernité !
Rappelons à toutes fins utiles que le RN n’a pas voté la loi en faveur de l’égalité salariale, ne soutient pas l’IVG, explique que les violences faites aux femmes sont le fait des étrangers, des immigrés, et que les élus d’extrême droite ont voté contre la loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel de 2016. Plus encore, ses parlementaires participent à la précarisation de la société menée par les droites coalisées, qui nourrit la contrainte économique et peut amener des femmes et des minorités de genre à se prostituer.
Et bien sûr, ce parti reste bien silencieux sur les droits des personnes prostituées, que ce soit en termes de santé sexuelle, ou d’accès aux droits sociaux et économiques, alors que l’amélioration de leur condition est une revendication largement partagée.
Partout où l’extrême droite progresse dans le monde, les droits des femmes et des minorités de genre sont attaqués.
Qu’on se le dise, une bonne fois pour toutes, le RN est le pire ennemi des droits des femmes. Alors à l’instar de ces maisons qui doivent rester closes, le débat sur ce sujet doit l’être aussi.





