Les menaces sont devenues des actes qui nous plongent dans l’abîme. Les bombardements lancés par Israël depuis vendredi dernier contre l’Iran ouvrent une séquence dangereuse. Les dirigeants israéliens avaient beau déclarer depuis des années que les Perses étaient leurs ennemis et qu’une intervention militaire était possible, le passage à l’acte n’en reste pas moins spectaculaire et effrayant.
La guerre est officiellement déclarée entre les deux Etats puisque nous assistons à des bombardements respectifs.
Disons-le tout net : l’opération lancée par Tel-Aviv est absolument illégale en droit international et il n’est pas de notion de « guerre préventive » qui soit légitime d’autant qu’Israël n’était pas attaqué. Nous ne pouvons croire une seconde qu’il y ait un quelconque but humanitaire ou démocratique dans le largage des bombes israéliennes.
Cette condamnation ne vaut pas pour autant soutien au régime iranien que nous continuons de dénoncer tant il fait du mal à ses habitants, dont beaucoup se sont levés ces dernières années pour conquérir leur liberté, notamment les femmes, parfois au prix de leur vie. Nous ne sommes pas non plus naïfs des actions impérialistes de Téhéran dans le monde arabe depuis des décennies.
Cette escalade est celle de l’hubris israélienne, ce sentiment de toute-puissance. Le Moyen-Orient est devenue une zone de non-droit où tout est permis. Tel-Aviv se permet ainsi de vouloir imposer un ordre impérial, après avoir bombardé le Liban, la Syrie sans parler du massacre à Gaza, sous parrainage étatsunien. L’implication de Washington est en effet certaine (au-delà des seules livraisons d’armes) même si Donald Trump avait laissé planer l’ambigüité au début et que les négociations avec Téhéran sur le programme nucléaire civil se déroulaient à Oman jusqu’il y a quelques jours.
Le risque que l’Iran se dote de l’arme nucléaire ne peut justifier cette aventure militaire. C’est même un argument supplémentaire pour les tenants les plus radicaux de la République islamique. L’administration Trump porte une lourde responsabilité puisque c’est bien le milliardaire new-yorkais qui avait déchiré en 2018 le JCPO, accord international qui supervisait le programme civil nucléaire iranien.
L’engrenage militaire n’est bon pour aucun des peuples et nous partageons les souffrances et les inquiétudes des populations civiles iraniennes comme israéliennes.
Le cynisme de Netanyahou est total, lui qui ne vit que par la guerre pour se maintenir au pouvoir.
Il veut détourner l’attention des actions de l’armée israélienne à Gaza qui lui vaut des poursuites à la Cour pénale internationale pour crimes de guerre et crimes contre l’Humanité quand l’Etat israélien doit répondre du risque plausible de génocide devant la Cour internationale de justice. Le dirigeant du Likoud fait également face à une opposition interne et a sauvé sa majorité parlementaire d’une voix lors d’un vote de défiance.
Cette nouvelle séquence est donc dangereuse. On sait toujours quand une guerre débute mais jamais quand elle finit ni comment. Les deux belligérants sont distants de 1700 km et des combats au sol sont donc peu probables.
Cependant, une intensification des bombardements, des destructions toujours meurtrières pourraient pousser à des escalades incontrôlables. L’usage de missiles encore plus destructeurs pour viser les installations nucléaires enterrées provoqueraient des dégâts incommensurables. Téhéran pourrait répondre par la fermeture du détroit d’Ormuz, avec des conséquences économiques importantes pour tous les pays du Golfe notamment pour le commerce maritime des hydrocarbures.
Le G7, réuni actuellement au Canada, a encore une fois démontré le double standard insupportable des pays occidentaux. Croyant faire plaisir à Donald Trump en annonçant dans son communiqué le droit d’Israël à se défendre (un comble quand on évoque l’agresseur), les pays européens se sont ressoudés derrière Tel Aviv. Cela éteint toute critique sur le cours de la guerre à Gaza mais démonétise toute intervention européenne sur le dossier iranien. Donald Trump, avant de narguer Emmanuel Macron, et de déployer un appui massif de son aviation auprès de Tel-Aviv, avait suggéré de s’appuyer sur la médiation…russe pour dialoguer entre les deux parties. Un baiser de la mort pour les Européens qui auront beau jeu de dénoncer les actions de Moscou en Ukraine.
Emmanuel Macron dénonce l’engrenage et les positions maximalistes de celles et ceux qui souhaitent un changement de régime en Iran et déplore la réactivation de la pensée néo conservatrice qui a mené aux guerres d’Afghanistan et de la deuxième guerre d’Irak. Le locataire de l’Elysée a lui-même démontré qu’il n’était pourtant pas si éloigné de cette ligne en apposant la signature de la France au communiqué du G7 et au regard de sa première déclaration du vendredi 13 juin où il affirmait que le soutien logistique de l’armée française à Israël était envisageable.
Si les Iraniens et les Iraniennes aspirent à un autre système politique, le soutien qu’on pourrait leur apporter ne sera jamais militaire. Les pyromanes du Moyen-Orient, ceux qui ont laissé prospérer les mouvements religieux fondamentalistes pour contrer les forces progressistes ou par les politiques d’ajustement structurel, ne peuvent être les prescripteurs de solutions.
Ce qui se joue, c’est l’existence d’un droit international où les relations entre les Etats ne se jouent pas par la force mais par des règles, aussi imparfaites soient-elles. C’est aussi le risque d’engrenage militariste avec des Etats de la région qui vont renforcer leurs systèmes d’armement voire activer des programmes d’acquisition de l’arme atomique.
Un cadre de discussion doit être élaboré rapidement avec, des pays du Sud global qui pourraient faciliter ce dialogue, n’en déplaise aux membres du G7.
Des forces de progrès doivent se lever pour faire entendre un autre de son de cloche que la course aux armements.