
Fabien GAY
21 avr. 2022
La tension est palpable et elle s’épaissit à mesure que le moment de voter se rapproche. La colère résonne, même aux oreilles habituellement sourdes aux luttes sociales du Président-candidat, depuis qu’il a décidé d’aller à la rencontre des Françaises et Français en vue de ce second tour de l’élection présidentielle. Le dépit laisse un goût amer dans la bouche des millions de déçus ; celles et ceux qui voulaient voir la gauche arriver au second tour, ou qui ne voulaient pas d’un second quinquennat de la droite libérale et de la casse sociale, ou qui ne souhaitaient pas d’un mauvais remake de 2017 (70% il y a un an), ou celles et ceux qui ont peur – et ils ont raison –, de voir le fascisme arriver au pouvoir, fut-il masqué sous les oripeaux socialisants dont la candidate du RN s’est revêtue pour ratisser plus large en jouant sur les déceptions et les difficultés de la population.
La gauche, si l’on cumule les résultats du premier tour, compte pour un tiers des votes. Un tiers de nos concitoyens parmi celles et ceux qui ont voté – et n’oublions pas que celles et ceux qui ont choisi de ne pas le faire ont eux aussi exprimé quelque chose de fort – ont choisi la justice sociale, l’environnement, la solidarité et la fraternité. La gauche a donc progressé par rapport à 2017. Cette progression se constate dans les 800000 voix obtenues par le candidat communiste Fabien Roussel, avec son énergique campagne des Jours Heureux. Et elle est tout particulièrement flagrante dans la dynamique impulsée par le programme de Jean-Luc Mélenchon, qui a été conséquente, marquée par l’espoir de changement et d’éliminer l’extrême-droite du second tour. Nous saluons ces 22% et la campagne autour du programme « l’Avenir en commun ». La déception de manquer de peu le second tour pour est à la mesure de cet espoir et de cette dynamique. Il aura suscité une espérance de changement qui se sera convertie en vote utile pour la vie de millions de personnes, notamment dans la France urbaine, des quartiers populaires, des outre-mers et dans une large partie de la jeunesse, notamment chez les primo-votants où Jean-Luc Mélenchon arrive en tête.
C’est deux campagnes sont un point d’appui formidable, qu’il faudra conserver et amplifier par une dynamique de rassemblement la plus large possible, pour reconquérir des territoires où la colère s’exprime par le vote lepéniste. Une longue bataille idéologique en perspective, pour regagner les esprits et convaincre en faveur d’un vote qui unit toutes les classes populaires qui ont des intérêts convergents, pour qu’à nouveau,la gauche redevienne majoritaire.
Il sera temps de regarder avec lucidité et pragmatisme ces résultats, en confrontant les points de vue sur les stratégies, les contenus, les projets pour chercher à construire des alternatives et une voix utile au peuple. Il faudra le faire, sereinement et franchement,sans chercher à trouver des victimes expiatoires de cette nouvelle élimination de la gauche, au risque de voir transformer cet espoir en colère et en désillusion, qui ne renforceront jamais le camp du progrès et de la justice sociale et environnementale.
Mais l’urgence est aujourd’hui ailleurs. Nous sommes face à un triple défi.Il nous faut battre le Pen dimanche, puis faire échec au macronismeensuite, et enfin rassembler toutes les forces de gauche pour élire le maximum de députés et peut-être même en conquérir une majorité dans la prochaine Assemblée Nationale. Mais pour atteindre les deux derniers défis, il faut obligatoirement réussir le premier. Au risque que la nuit sombre et que l’orage qui tonne obscurcisse le ciel des cinq prochaines années.
L’extrême droite n’a jamais été aussi proche d’accéder au pouvoir. En vingt ans, d’une stratégie de dédiabolisation à celle d’une banalisation, l’extrême droite n’a jamais été aussi forte dans ce pays.Jusqu’à être mettre ces théories fumeuses et racistes au centre du débat politico-médiatique ces dernières années. Celles et ceux qui ont participé à cette ascension en déroulant le tapis rouge à ces idées, chaque jour, sur les chaînes d’information en continu, portent une lourde responsabilité. Particulièrement ceux qui ont permis et favorisé l’éclosion de Zemmour, le multirécidiviste de la haine, qui en assumant le rôle de poisson pilote a surtout permis de recentrer la châtelaine de Montretout.
Bien conscient que le front républicain n’est plus automatique, notamment chez les jeunes générations qui n’ont pas vécu 2002, ou encore celles et ceux qui ont subi de plein fouet la politique antisociale de Macron depuis cinq ans et en nourrissent une haine parfois viscérale, il faut donc convaincre du danger. Voici notre combat et notre utilité, fidèle à notre tradition de lutte contre l’extrême-droite. .
Cette tâche est complexe, tant le macronisme constitue le meilleur marchepied pour l’extrême-droite. Comment imaginer voter une fois encore pour le Président-candidat des puissants et des riches, celui qui n’a eu de cesse de casser les conquis sociaux, d’amoindrir les libertés individuelles et de mépriser tant et plus les Françaises et les Français ? Comment voter une nouvelle fois pour celui qui a eu la riche idée de supprimer l’ISF mais de raboter cinq euros d’APL aux plus modestes ? Celui qui s’est acharné à casser le statut des cheminots,mais à lutter avec une cuillère en bois contre l’évasion fiscale ? Comment faire confiance à celui qui veut détruire la fonction publique etfait sans cesse appel aux cabinets privés ? Celui qui a pris les 66% des voix récoltées au second tour de l’élection présidentielle de 2017 pour un blanc-seing quand elles n’étaient majoritairement qu’un vote d’opposition ?
Alors oui, ces politiques inégalitaires de Macron ouvrent la voie au ressentiment et à la colère, à l’envie de tenter quelque chose d’autre, à l’envie d’abandonner, de laisser-faire peut-être pour des millions de personnes.
Mais ce que le Président‑candidat a fait, la candidate du RN le fera aussi… en pire. Aucun des deux candidats n’est souhaitable, aucun des deux programmes n’est désirable ; pour autant, il ne se situent aucunement sur un pied d’égalité. Le croire revient à s’illusionner, car l’élection de le Pen ouvrirait tous les possibles, surtout les pires. Il ne faut pas s’y tromper : la candidate héritière du Front national, si elle a travaillé son image, n’a pas changé, son programme non plus. Si elle est élue, la Démocratie et la République seront rapidement et brutalement mises à mal ; les violences se multiplieront sous la complaisance des gouvernants ; la xénophobie, le racisme régneront avec la mise en place de la préférence nationale. Et les inégalités, loin de se résorber, se creuseront davantage encore par son programme libéral, de repli sur soi et autoritaire. Partout où ses amis sont arrivés au pouvoir, le pouvoir d’achat des classes populaires n’a pas augmenté, le chômage n’a pas reculé, contrairement aux libertés publiques, aux droits des femmes, des LGBTQI+, des syndicalistes. Et la chasse aux étrangers est devenue la norme. Si elle était élue, en juin, il n’y aura aucun décret pour revaloriser le SMIC, mais un référendum sur le rétablissement de la peine de mort et sur l’immigration !
Pour ce second tour, les voix de la gauche, des démocrates et républicains ne doivent pas se taire. Les risques entre les deux candidats sont inégaux. Ce qui nous guette, si nous n’héritons pas de cinq nouvelles années de macronisme à marche forcée, ce n’est pas un choc en forme de gueule de bois lundi matin ; ce sont cinq années, au minimum, de régime autoritaire, antisocial et de mal-vivre pour des millions de nos compatriotes qui subiront une xénophobie d’état. Non, le Président Macron et le Pen, ce n’est pas pareil !
Alors dimanche, face au trop grand risque de division de notre Nation, il ne peut y avoir d’hésitation. Saisissons-nous du seul bulletin qui reste, celui du « président Macron » pour battre le Pen. Sans illusion ni compromis, mais sans état d’âmes.Ne nous taisons pas. Et dès le 25 avril, relevons le défi du rassemblement large des forces de toute la gauche, comme le proposent le PCF et la LFI, pour élire le maximum de députés de gauche pour faire échec au projet libéral de Macron.