top of page

Engagement, voici ce qui constitue le cœur même du rugby

Fabien GAY

10 juil. 2023

Au rugby, on ne peut se mentir, ni mentir aux autres. Jouer le dimanche à 15 heures, sentir l’huile de camphre en rentrant dans le vestiaire, bander avec du sparadrap ses oreilles en choux-fleurs, serrer fort ses camarades avant de rentrer sur le terrain en promettant de tout donner ensemble. « Si tu n’as jamais joué, comment veux-tu comprendre. ». C’est ma jeunesse à l’US Bouscat que je me remémore et ces souvenirs de matches où il y avait plus de spectateurs que d’habitants le dimanche au stade.

Nous avons en tête les images d’Epinal du rugby, basées sur son patrimoine : la troisième mi-temps, celle qui panse les plaies, celle où l’on chante à tue-tête Montagnes Pyrénées et l’on remet le cagoulin à chaque fin de match, dont les exploits laissent des souvenirs impérissables. Ce sont les All-Blacks, l’équipe néo-zélandaise, qui incarnent ce sport dans l’imaginaire collectif avec son haka et Jonah Lomu, première star internationale du rugby au milieu des années 1990, au moment où le rugby s’est modernisé et professionnalisé.

 

Mais c’est évidemment bien plus que cela. C’est ce que nous avons voulu modestement donner à voir dans ce hors-série. Pendant que le XV de France, doté d’une génération dorée, sera soutenu par tout un peuple pour décrocher son premier titre mondial, nous voulons montrer toutes les dimensions de ce sport parmi les plus populaires. Comme on y avance en envoyant le ballon derrière, la connaissance de ce sport nous amène à bousculer nos idées reçues.

 

Une école de la vie

 

Le rugby a ce côté paradoxal d’être à la fois un sport de combat et d’affrontement mais qui peut aussi se jouer (et de belle façon) tout en évitement et en cadrage-débordement. Sport élitiste, voire réservé à la bourgeoisie, il s’est popularisé ces trente dernières années, devenant planétaire avec la professionnalisation et les moyens qui l’ont accompagnée.

 

C’est une école de la vie bien plus qu’un simple sport. Dès l’école de rugby, grâce à l’engagement de dizaines de milliers de bénévoles, qui sont plus que des simples entraîneurs. Ce sont plutôt des éducateurs, qui transmettent le respect de l’autre, la solidarité et la fraternité et qui forment des citoyens. A l’image du maniement du ballon ovale, ils apprennent le maniement d’un ballon qui ne rebondit jamais de la même manière, comme le symbole d’un monde imprévisible dans lequel il faut apprendre à faire face.

 

C’est un sport inclusif à bien des égards, chacun y trouvant sa place quelque soit sa morphologie, son endurance, sa vitesse. Vecteur d’intégration et de lutte contre toutes les discriminations, qui fait la démonstration que nos différences sont une force, on y apprend qu’on a besoin de l’autre et que tout le monde est indispensable pour réussir. Vecteur de fraternité et de solidarité, avant, pendant et après le match, où l’on apprend à ne pas abandonner un ami sur le terrain – comme dans la vie – et à respecter l’adversaire et l’arbitre. Le rugby a également su capter les évolutions de la société et évoluer avec son temps. Il s’est ainsi féminisé et étendu sur le territoire, jusque dans les grandes agglomérations et son vivier de jeunes talents. Il a aussi accouché d’une formule vite popularisée avec le Rugby à 7. Il s’est enfin mondialisé, dépassant ses territoires historiques du monde anglo-saxon.

Humilité et plaisir

 

Si comme au football, un joueur porte le numéro 10, aucun grand joueur ne peut faire basculer un match à lui tout seul. Si les Blanco, Rives, Sella, Michalak et tant d’autres ont laissé une trace par leurs styles de jeux ou leurs records, rien n’est plus beau que le collectif.  L’équipe, les 15 joueurs et les 7 remplaçants sont au-dessus de tout.  Si au football, on célèbre les individualités, au rugby, on honore les équipes. De Clermont à Toulouse, de Toulon à Bègles, de Biarritz à La Rochelle, on célèbre bien des héros mais surtout des victoires et des défaites, une action de 15 passes ou une mêlée conquérante qui font basculer une rencontre. D’ailleurs, au rugby, lorsqu’on est champions, on ne lève pas une coupe ou un trophée, mais un « planchot », un bouclier de bois de 40 kilos. Dessus y sont inscrits tous les vainqueurs depuis des décennies, comme pour mieux vous rappeler, le jour où vous gagnez, que vous n’êtes qu’un maillon de l’Histoire qui s’est construite avant vous et continuera après.

 

Par toutes ses valeurs, l’Ovalie nous inculque avant tout l’humilité. Ce qui n’est pas une gageure dans un monde régi par le culte de la performance et de l’individualisme.

 

Au fond, ce qui fait le caractère populaire du rugby se résume dans cette formule si banale et en même temps si mobilisatrice du célèbre commentateur sportif Roger Couderc : « Allez les petits ! » Comme pour mieux nous rappeler que cela reste un jeu, et que le plaisir reste l’objectif premier.

bottom of page