
Fabien GAY
5 mai 2022
Plus grand événement sportif de la planète, avec les JOP dont l’édition 2024 se tiendra à Paris, la coupe du monde masculine de football se jouera au Qatar en novembre prochain. Ce qui doit être une fête populaire, qui fait rêver petits et grands du monde entier est déjà entaché par des scandales financier, éthique et environnemental.
Cette compétition cristallise toutes les dérives du monde de l’argent-roi avec une fédération internationale de foot obnubilée par les plus contrats de sponsoring. Grâce à la coordination précieuse de médias internationaux (que nos confrères soient ici salués), l’arrière boutique de cet événement a vite été dévoilée : attribution entachée de corruption active et passive, recel et blanchiment et des milliers d’ouvriers morts dans les chantiers.
Faut-il dès lors boycotter et ne pas envoyer nos sportifs ? Disons-le tout de go : cette question est un peu hypocrite. Le Qatar ne sera malheureusement pas le premier Etat dictatorial à accueillir la compétition. Pensons à l’Argentine de 1978. Au-delà de l’intérêt pour nos Bleus qui compteront parmi les favoris du Mondial avec des stars au sommet de leur art (Benzema, Mbappé, Griezmann et Pogba), ce n’est pas aux sportifs de réparer une faute morale et politique. Ces derniers ont d’ailleurs montré récemment qu’ils savaient s’affranchir des pressions et des sponsors pour défendre des causes justes. Leur courage est à saluer. Qu’on pense à Kylian Mbappé qui refuse de valoriser les sites de paris sportifs, à Antoine Griezmann qui s’est désengagé d’un sponsor complice de la répression des Ouïghours ou encore du monde sportif mobilisé face à l’extrême-droite dans l’entre deux-tours de la présidentielle.
Il faudrait plutôt condamner le soft power du Qatar qui se déploie en France (pensons à sa vitrine du PSG) ou celui qui s’exprime dans le monde arabe et maintenant au-delà par des soutiens politiques et financiers aux forces obscurantistes de l’islamisme radical. Ce même Etat auquel notre diplomatie a vendu 24 Rafales et qui se déshonore en établissant une coopération sécuritaire en vue du Mondial.
La solution aurait été de retirer l’attribution de la compétition à ce pays et trouver un autre terrain de compétition. Il faudra à terme créer les conditions d’une attribution basée sur d’autres critères que ceux d’une instance comme la FIFA telle qu’elle existe aujourd’hui. Il est temps d’aller vers une instance multilatérale et plurielle, associant états, mouvements sportifs et citoyens, pour la désignation des hôtes des grandes compétitions sportives internationales qui respectent les droits humains fondamentaux. Il est encore temps de mettre la pression aux diffuseurs et organisateurs pour donner à voir la réalité du pays et faire avancer la cause des droits humains notamment pour les ouvriers des stades qataris, qui ont payé un lourd tribut.
Cette fête du football, parce qu’elle est populaire, ne doit pas être gâchée par les pratiques de ceux qui n’en voient qu’un événement marketing. Avec exigence et lucidité, soyons les meilleurs défenseurs d’une diplomatie du sport, vecteur de fraternité et de solidarité entre les peuples.
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