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Oligopoles contre pluralisme de la presse

Fabien Gay

20 nov. 2021

La concentration des medias s’opère à un rythme effréné. La tendance est lourde, brutale et inquiétante. Parallèlement à la blitzkrieg ultra droitière lancée par l’empire Bolloré sur l’audiovisuel, la radio et la presse écrite, les discussions s’accélèrent pour acter la fusion entre TF1 et M6.

La concentration des medias s’opère à un rythme effréné. La tendance est lourde, brutale et inquiétante. Parallèlement à la blitzkrieg ultra droitière lancée par l’empire Bolloré sur l’audiovisuel, la radio et la presse écrite, les discussions s’accélèrent pour acter la fusion entre TF1 et M6.

Encouragée par l’Elysée, la manœuvre est présentée comme moyen de lutte contre les oligopoles du numérique nord-américains. Il faudrait donc, nous dit-on, que les médias nationaux imitent les ogres d’outre-Atlantique et enflent jusqu’à la démesure pour limiter leur influence. Mais pour vaincre les ogres, les contes nous enseignent qu’il faut être plus malin et courageux qu’eux. Au lieu de suivre un modèle de concentration désastreux pour la qualité de l’information et le travail des journalistes, le gouvernement s’honorerait à défendre un écosystème médiatique riche de sa diversité, de l’indépendance de ses acteurs, vecteur d’un pluralisme consubstantiel à la vitalité démocratique.

L’argument vendu par le pouvoir de la nécessaire constitution de « champions » nationaux, sert de parfait paravent à des fusions-acquisitions déjà dans les tiroirs et exigées par les actionnaires. Car en l’espèce, ni TF1, ni M6 n’entrent en concurrence avec les plateformes numériques Netflix, Amazon Prime ou Google, ni sur les contenus, ni sur les recettes publicitaires. La vérité est ailleurs. Le but de la fusion annoncée entre M6 et TF1, n’est pas d’asseoir un pôle audiovisuel sur un cahier des charges bien déterminé et exigeant, mais bien de réaliser des économies d’échelle sur le dos des salariés et de créer un nouveau pôle d’influence médiatique dans la guerre sans merci que se livrent quelques capitalistes.

L’Etat s’est doté d’un outil important pour lutter contre la tendance monopolistique du capital : l’Autorité de la concurrence dont l’indépendance est mise à rude épreuve. L’éviction de sa présidente fomentée par l’Elysée à quelques jours de la fusion TF1/M6 n’est guère un signe de santé démocratique. La concurrence « libre et non faussée » s’évanouit comme un mirage quand les profits exigent des quasi-monopoles… privés.

Ce paysage est extrêmement inquiétant. L’information, dont se détournent de trop nombreux citoyens, « se fabrique » désormais à très grande échelle sans considération pour le pluralisme, pourtant consacré par l’article 4 de la Constitution. Sans considération non plus pour le travail des journalistes de plus en plus précarisés et dont un nombre conséquent quitte la profession pour laisser place à des « gestionnaires de contenus » prémâchés, les yeux rivés sur les recettes publicitaires et le nombre de clics, avec de graves conséquences sur la qualité du débat public.

Dans ce paysage désolant pour la presse d’information générale, notre groupe de presse, avec son journal quotidien, son magazine, sa plateforme numérique et sa fête annuelle, fait figure de foyer de résistance, malgré l’amoncellement de difficultés. Les pressions exercées par le modèle dominant s’avèrent aussi redoutables que les saisies et censures dont nos journaux ont fait l’objet au cours de l’histoire. Car c’est par asphyxie que procèdent désormais les puissances financières et industrielles à la tête des grands médias, détournant les recettes publicitaires, profitant des révolutions technologiques pour réorganiser toute une filière à leur avantage.

Notre rôle, avec d’autres confrères, reste pourtant indispensable pour que le pluralisme ne soit pas un vain mot. Pour le mener à bien, nous disposons d’atouts considérables dont le lien précieux qui nous unit à nos lecteurs et amis qui répondent aux appels à souscription que nous sommes contraints de lancer. Gage d’une rare indépendance, ce lien fait office de bouclier contre les rapaces qui ne manqueront pas de rôder autours de nos titres. C’est en le faisant vivre, et en faisant vivre l’éthique professionnelle qui caractérise notre rédaction, que l’Humanité pourra écrire son avenir au service des combats émancipateurs et du pluralisme. L’appel à souscription que nous lançons n’a pas d’autre ambition que d’y concourir.

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