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Réétatiser EDF : vers un démantèlement masqué ?

Fabien GAY

24 oct. 2022

Au début du mois le gouvernement, qui détient déjà 84% des actions d’EDF, a enclenché le processus de réétatisation d’EDF. Il s’agit d’indemniser les 16% d’actionnaires minoritaires pour un montant total de plus de 8 milliards d’euros. Pourquoi un tel choix ? Dans un contexte de crise énergétique et potentiellement d’approvisionnement, alors que les factures explosent et plongent de nombreuses familles dans la précarité énergétique, l’avenir de l’entreprise préférée des Français a de quoi inquiéter.

S’il y a des aspects conjoncturels dans cette crise, dont la guerre en Ukraine, c’est surtout la libéralisation du secteur de l’énergie et l’Arenh, système franco-français exigeant d’EDF de vendre à bas coût une partie de son énergie nucléaire à ses concurrents, qui ont affaibli considérablement l’entreprise publique historique.

Alors que ses capacités d’investissement ont été amoindries par l’État au fil des années, que les métiers et les savoir-faire ont été amputés, que la moitié des centrales nucléaires sont à l’arrêt en raison de tergiversation d’un État sans vision d’avenir, quel sera le mandat confié au futur PDG d’EDF, Luc Rémont, si les deux commissions des affaires économiques du parlement valident cette nomination ?


La création d’un grand service public de l’énergie ou le retour du projet Hercule avec une privatisation d’une partie des activités ?


Pour mieux comprendre ce projet de démantèlement d’EDF, il faut revenir quelques années en arrière. En 2019, on apprenait qu’un projet de vente à la découpe d’EDF se négociait discrètement avec la Commission européenne. Son nom ? Hercule — l’héroïsme, la réussite des tâches les plus impossibles… une idée de technocrate en plein hybris.

L’idée ? Découper EDF, conserver le nucléaire dans le giron de l’État, et privatiser, en partie nous disait-on, les énergies renouvelables et quelques autres activités rentables dont Enedis. La suite ? Mobilisation des salariés et recul du gouvernement… pour un retour à la charge en 2021 avec un nouveau projet, le « Grand EDF », que Jean Bernard Levy n’aura pas le temps de mener, fort heureusement, lâché par le Président de la République.  


Cette réétatisation n’est-elle donc rien d’autre qu’un retour masqué de ce projet de démantèlement de l’électricien et de désengagement de l’État ? Récupérer les 100% d’actions lui permettrait d’avoir les mains libres pour décider seul, sans le pouvoir de nuisance potentiel des actionnaires minoritaires. Pour l’instant, rien ne filtre, sauf la quasi régie pour « sauver » de la privatisation les barrages hydroélectriques.


Mais quel avenir pour la filière nucléaire ? Qui, du privé ou d’EDF, développera les énergies renouvelables de demain en répondant à une question d’aménagement du territoire ? EDF sera-t-elle scindée en filiales, dont certaines ouvertes aux capitaux privés ?


Il y a là un véritable enjeu démocratique ; un tel projet ne peut être inséré par voie d’amendement, sans débat global au Parlement. Ce débat doit avoir lieu, par un projet de loi plein et entier, mais également avec les salariés et les associations d’usagers, en toute transparence.


Au contraire d’un démantèlement, notre pays et les usagers ont besoin d’un véritable service public de l’énergie qui engloberait toutes les sources d’énergie, de la production à la distribution, et permettrait de sécuriser l’accès à l’énergie et de la reconnaître enfin pour ce qu’elle est ; un bien commun essentiel à la vie de toutes et tous, sorti des griffes du marché !

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