Palestine : demain, c’est encore loin

15 Oct 2025

Un cessez-le-feu est entré en vigueur à Gaza, depuis samedi 11 octobre. Après des années de bombardements incessants l’armée israélienne a cessé ses opérations de destruction. Pour la première fois depuis 8 mois, date d’une première trêve, Gaza a vécu deux jours de suite sans bombardements.

La première phase du plan de paix de Donald Trump est entrée en vigueur avec l’échange des 47 otages israéliens (dont 20 sont seulement vivants) et de 1950 prisonniers politiques palestiniens. Parmi ces derniers, 154 prisonniers politiques palestiniens sont expulsés en Egypte, à des kilomètres de leur terre. 

Ces libérations, d’otages israéliens kidnappés, détenus dans un enfer par le Hamas, sont un soulagement pour eux mais aussi pour leurs familles et leurs proches. 

De même, la libération des prisonniers politiques palestiniens injustement retenus et enfermés, sans procès, est également un soulagement pour leurs familles. Elles peuvent enfin retrouver leurs proches. 

Pour autant, est-ce à dire que le conflit est terminé, comme certains le pensent ?  Nous en sommes loin, car malheureusement, la situation reste encore très fragile. Ceux qui fanfaronnent sur cette résolution du conflit, sont les mêmes qui montrent les rassemblements des familles d’otages en Israël, un moment d’émotion intense, mais omettent de voir les cohortes de Palestiniens qui tentent de regagner leur ville d’origine. Les Palestiniens de Gaza n’ont plus de maisons mais veulent retrouver leur terre pour la reconstruire. Ils n’ont pas de nom ni de visage dans la plupart des présentations. Pourtant, ces femmes et ces hommes sont bien là, continuent d’exister dans un territoire où on a tenté de les expulser, à défaut de les massacrer.

Le sommet pour la paix qui débute à Charm El Cheik en Egypte aujourd’hui n’est donc pas un sommet de la paix. Le désarmement du Hamas, l’évacuation par l’armée israélienne de la bande de Gaza, l’instauration d’un protectorat constituent les futures étapes programmées. 

Alors que les concessions sont déséquilibrées au profit d’Israël, le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou s’offre le luxe et l’outrecuidance de bouder cette séquence.

La solution politique consiste en l’état à déblayer un territoire totalement détruit. Le projet d’investissement immobilier ne peut résoudre les problèmes lourds qui touchent les Palestiniens. En premier lieu, il est clair que des corps vont être retrouvés par milliers dans les décombres. Le chiffre de 67 000 victimes est loin d’être définitif et il est à craindre que nous atteignons probablement plus de 200 000 victimes, soit près de 10% de la population gazaouie.

Par ailleurs, l’effacement des Palestiniens n’est pas justifiable. Le droit des Palestiniens à vivre dans un Etat n’est pas une perspective lointaine, encore moins un dû. C’est un droit inaliénable quand bien même Donald Trump a affirmé dans l’avion du retour vers Washington que la question de l’Etat palestinien serait à voir dans plusieurs années. Cela était déjà le cas lors du fameux Quartet en 2005 qui repoussait la création d’un Etat palestinien à un horizon lointain. Or, c’est maintenant que cet Etat doit voir le jour et être construit. C’est la condition indispensable pour prévenir de futurs conflits et de futures violences. La Palestine est le nœud des problèmes de la région.

Le Hamas est considérablement affaibli et délégitimé mais il s’est reconstitué au regard de l’absence de perspective. Si rien n’avance pour la reconnaissance des droits des Palestiniens, c’est une nouvelle génération animée par la rage qui émergera en Palestine, que ce soit au Hamas ou dans une organisation aux buts toujours plus raides et intégristes.

Israël n’a pas confirmé l’évacuation de la zone Nord de la bande de Gaza et il est à craindre que le gouvernement israélien trouve n’importe quel prétexte pour poursuivre les bombardements. Le maintien du gouvernement Netanyahou n’est possible que par la poursuite de la guerre et de la colonisation. 

La « paix » version trumpiste, c’est une alliance entre Israël et les pays du Golfe pour faciliter les échanges commerciaux. De même que le projet de Nouveau Moyen-Orient de l’administration Bush Jr avait échoué en voulant imposer les changements de régime par la guerre, la « paix » conçue par le Président des Etats Unis, par l’alliance commerciale entre Israël et les pays du Golfe échouera.

Tous ces signes montrent à quel point aucune condition n’est réunie pour travailler à une véritable paix juste et durable. Plusieurs batailles nous attendent. 

La reconnaissance effective de l’Etat de Palestine par la France doit passer par des sanctions contre Israël. Elles sont indispensables pour mettre la pression sur Tel-Aviv. La suspension de l’accord d’association entre Israël et l’Union européenne aurait des effets immédiats sur l’économie israélienne. Emmanuel Macron doit aller au bout de sa démarche et les mouvements de paix et de solidarité doivent amplifier la pression populaire.

L’une des autres conditions serait de libérer l’ensemble des prisonniers politiques palestiniens. Parmi eux, Marwan Barghouti est la clé d’une solution politique. Dirigeant le plus populaire parmi les Palestiniens, ferment de l’unité nationale, son nom est désormais connu bien au-delà des cercles d’initiés. Un Etat de Palestine libre et souverain ne peut décemment exister sans ses forces vives et ses représentants. La figure du Mandela palestinien pourrait également faciliter l’unité palestinienne.

Pour parvenir à une paix véritable, la reconstruction de Gaza ne doit pas dépendre des volontés étrangères mais des seuls choix des Palestiniens. Un soutien humanitaire international pourrait être déployé par l’ONU.

Enfin, n’en déplaise à Donald Trump, la justice internationale doit s’appliquer. Un génocide ne peut être mis sous le tapis. Alors que alors que les envoyés spéciaux de Donald Trump étaient en visite de courtoisie auprès de l’armée israélienne à Gaza, le président d’extrême droite a, de son côté, vanté les louanges de son comparse Netanyahou et demandé son amnistie judiciaire, lui qui est sous le coup d’un mandat d’arrêt international de la Cour Pénale Internationale. Cela résonne comme un terrible aveu de complicité de la part de celui qui soutient indéfectiblement Israël…mais aussi comme un constat d’impuissance. Donald Trump lui-même avait dû reconnaitre l’horreur des images d’enfants dénutris, de bombardements aveugles. Il sait que malgré ses pressions scandaleuses, les juridictions internationales continuent d’avancer pour instruire des poursuites contre Benyamin Netanyahou avec le concours d’Etats de plus en plus nombreux.

Les chantiers restent donc immenses et appellent à une mobilisation encore plus grande des forces sincèrement attachées à la dignité et au droit des peuples.

Articles les plus lus

Thèmes associés

Dans la même catégorie

Dans les autres catégories