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Impôts : parlons justice fiscale !

Il y a une semaine, le gouvernement a lancé son opération « En avoir pour mes impôts ». Tentative piteuse de sortir de l’impopularité gouvernementale avec la réforme des retraites, cette opération reproduit tous les poncifs libéraux voire poujadistes…

Avant même d’aborder le fond du projet, l’intitulé de la campagne gouvernementale donne déjà des éléments sur la nature idéologique de la démarche.


On évoque « mes » impôts, et non pas « nos » ou « les » impôts, comme s’il ne s’agissait jamais d’un enjeu de la collectivité. Cela induirait que chacun aurait un droit de regard sur les dépenses qui en découlent. En clair, il y aurait de bonnes et de mauvaises dépenses et de manières d’utiliser l’argent public.


Le but est de sous-entendre qu’il faudrait faire des sacrifices et que l’impôt serait mauvais en soi. C’est mal connaître les conceptions différentes et opposées de l’impôt qui ont traversé notre histoire. Avant de poser la suspicion sur le sujet, il faut rappeler que l’impôt doit reposer sur un consentement, défini collectivement. Faut-il rappeler qu’un des motifs de révolte en 1789 était cet enjeu de l’impôt pour qu’il devienne enfin collectif, réparti justement entre les différentes strates sociales ? Cette démarche s’est construite progressivement, répondant à l’enjeu de répartir les efforts dans l’investissement public en fonction des besoins de chacun. C’est aussi un levier pour atteindre l’égalité sociale.


Les questions bien orientées du questionnaire, qui se félicitent de l’affaiblissement de certains impôts aux conséquences désastreuses, sont révélatrices de l’état d’esprit de l’exécutif. Pensons à la taxe d’habitation affaiblissant l’investissement local et le pouvoir politique des collectivités territoriales quand l’impôt sur les sociétés a permis d’augmenter les marges des grandes entreprises. Derrière, ce sont des services publics qui fonctionnent moins bien voire qui disparaissent, des aides aux entreprises sans contreparties qui licencient ou usent de contrats précaires pour leurs salariés. Voilà la réalité d’une politique fiscale brutale.


Surtout, à aucun moment, n’est abordé l’injustice fondamentale qui devrait être le cœur du débat. L’impôt est réparti inéquitablement. Les 1% les plus riches paient moins d’impôts. C’est Gabriel Zucman, économiste français qui le dit et qui rappelle à quel point les différents cadeaux fiscaux (baisse des impôts de production de plus de 20 milliards), notamment ceux du président actuel ont été catastrophiques pour nos finances publiques à tel point qu’on peut même parler de la France comme d’un paradis fiscal pour les ultra-riches. La suppression de l’impôt sur la fortune a accéléré les effets de concentration et facilité les dispositifs d’évasion fiscale, certes légaux (d’où le besoin de changer la loi), mais qui exonèrent les propriétaires de grands capitaux qui jouent à l’économie casino.


Pire, le premier et le plus injuste des impôts étant la TVA, basée sur la consommation, est payée avant tout par les plus pauvres qui y contribuent par la consommation du quotidien. L’opposition n’est pas entre classes moyennes et classes populaires comme voudrait le faire croire les libéraux. Le président Macron en a rajouté hier lors de son entretien télévisé en voulant réduire la « pression fiscale » sur les classes moyennes promettant 2 milliards de baisses. Traduction : la prime d’activité sera augmentée et les cotisations encore baissées. Dans la même confusion que son ministre du budget, le président confond cotisations et impôts et fait de nouveaux cadeaux au capital. Ce sont les salaires qu’il faut augmenter (et donc une meilleure répartition entre la capital et le travail), pas les fonds publics dédiés à la rémunération !


Pendant ce temps-là, les crédits d’impôts (25 à 40% des investissements) et autres cadeaux fiscaux au nom de l’attractivité économique aux grandes multinationales se poursuivent.

Les tentatives de diversion, y compris sur la fraude, sont absolument scandaleuses. La fraude sociale, certes réelle, de l’ordre de 1,6 milliards en 2022 (dont 788 millions de redressements URSAFF étant le fait des employeurs) est mise sur le même plan que les 80 milliards de fraude fiscale dont l’essentiel vient des grandes fortunes quand « l’optimisation fiscale » est tout à fait légale.


Des économistes rappellent également que les pratiques frauduleuses des banques (CumEx Files) qui obtiennent des remboursements des taxes sur des transferts de dividendes, bien souvent dans des paradis fiscaux. Le préjudice est estimé à 35 milliards pour les 5 banques françaises impliquées !


C’est sans compter les différents scandales fiscaux (Panama Papers, Pandora Papers) qui confirment l’idée que le rapt d’argent public est systémique, au service de l’enrichissement d’une extrême minorité en France et ailleurs.


Bercy a beau annoncé des renforts des services de lutte contre la fraude, et c’est heureux, il ne fallait pas déshabiller ces équipes depuis plusieurs années. 1500 postes seront recréés mais ne rétabliront pas les 4000 supprimés auparavant.


Comme l’été dernier au moment de la loi pouvoir d’achat, les différents courants de droite, libéraux et l’extrême-droite se retrouvent pour soutenir des prétendues améliorations de pouvoir d’achat qui sont des cadeaux au capital.


L’idée d’une Conférence des parties (COP) fiscale est également souhaitable. Il faudra s’en donner les moyens en posant l’enjeu de changer fondamentalement les règles du jeu. Il s’agit de considérer que l’évasion fiscale relève d’un problème politique majeur où les réseaux criminels et les groupes d’intérêts privés privent les Etats de capacités d’investissement public et de traiter les enjeux d’avenir comme la planification écologique.




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