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Le déshonneur : marque de fabrique de la place Beauvau

Le mot est lâché : éco-terroristes ! Voilà comment sont qualifiés certains militants des causes écologistes. C’est un glissement sémantique gravissime dans lequel nous plonge le ministre de l’Intérieur. L’action et le verbe sont les deux piliers de l’expression politique, a fortiori en démocratie. Chaque mot et geste doivent donc être pesés. C’est à partir de ces positions que le débat se mène pour convaincre, en opposant ses arguments à ceux de ses adversaires, et non en tentant de les discréditer pour éviter la confrontation d’idées. Quand on est en position de pouvoir, on sait qu’on concentre la majorité des critiques. Cela devrait donner un sens des responsabilités. Or, ce n’est pas la voie choisie par M.Darmanin, loin s’en faut.


En utilisant le mot terrorisme pour qualifier les manifestants opposés aux projets de méga-bassines dans les Deux-Sèvres, le ministre de l’Intérieur crée un nouveau précédent. C’est une opération politicienne pour discréditer chaque action des forces politiques sociales, associatives et citoyennes, pour les identifier au trouble des institutions. Elle dévoile une stratégie qui consiste à expliquer l’illégitimité de nombreux soutiens par ceux qui s’y opposent. A chaque fois, l’action de la manifestation est délégitimée. Surtout, les méthodes d’intervention font encore débat, dont l’usage de la violence. Créer une stratégie de la tension ne permet ni aux organisateurs ni aux autorités d’encadrer les manifestants dans les meilleures conditions. Quant à l’interdiction des manifestations, elle revient à laisser les éléments perturbateurs et potentiellement violents d’avoir les mains libres. Les actes de violence, notamment contre les forces de l’ordre, doivent résolument être condamnés ; mais amalgamer tous les manifestants n’est pas une solution. Une manifestation reste composée de groupes et d’individus aux revendications proches mais parfois avec des objectifs et des modes d’expressions différents.


En usant du terme terrorisme, c’est un nouveau pas vers la disqualification des adversaires qui est commis. Non seulement c’est une injure aux victimes d’actes terroristes dont notre pays a tant souffert depuis plusieurs années. C’est aussi une dérive et une banalisation d’une figure de l’ennemi que serait le militant de gauche, écologiste. En prétextant que les éléments les plus radicaux commettent des dégâts ou des violences, le gouvernement fait d’une partie des manifestants des ennemis. Or, un ennemi doit être abattu…C’est un vocable intolérable qui doit être abandonné et dont nous nous sommes trop habitués en entendant régulièrement les grévistes être qualifiés de preneurs d’otage…Va-t-on faire voter des lois d’exception contre les grèves ou les manifestations demain, expression courante dans une démocratie ?


L’utilisation du terme « éco-terrorisme » n’est pas un fait isolé. Elle est le fait d’une stratégie présidentielle et du capital de détourner les colères populaires contre les mobilisations sociales ou écologiques, stratégie éculée du diviser pour mieux régner. Le pire étant que cela donne des gages au parti de l’ordre dur en empruntant les mots et les propositions de l’extrême-droite ! Ce n’est donc plus un glissement mais une démarche inquiétante d’un libéralisme autoritaire qui se sait illégitime pour mener tous ses projets. D’ailleurs, dans la même période, des groupuscules d’extrême-droite se promenaient tranquillement en instrumentalisant des faits divers sans qu’ils soient interdits ou condamnés par le gouvernement…Les indignations du pouvoir sont donc bien sélectives…


A ces mots s’ajoute la période continue de criminalisation du mouvement syndical, notamment chez les gaziers et électriciens ; un nouveau seuil a été franchi avec l’arrestation de 4 salariés de RTE par la DGSI, venue les chercher chez eux pour 96 heures de garde à vue la suite d’une action syndicale. Du côté des salariés de GRDF, plusieurs salariés sont convoqués au commissariat pour… des jets de confettis, remontant à 2015. Là encore, le gouvernement parle de preneurs d’otages pour qualifier des hommes et des femmes qui luttent pour l’intérêt général, ce qui est profondément inacceptable. Cette stratégie consiste à les isoler dans l’opinion publique, et à intimider les salariés en les menaçant : celles et ceux qui se mobilisent s’exposent à perdre leur emploi.


Il est temps de refuser cette normalisation des mots humiliants, insultants. Le gouvernement doit cesser cette rhétorique dangereuse et entendre les mobilisations pour le climat ou l’action sociale. Car c’est bien la raison des manifestations éruptives d’une jeunesse qui ne veut plus attendre les conseils de refondation ou autres espaces soporifiques pour prendre son avenir en main !




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