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Le mépris des foules

Les faits qui se sont déroulés ce samedi 28 mai aux abords du Stade de France pour la finale de Ligue des Champions de football sont désolantes et pathétiques. Des milliers de supporters-spectateurs ont été refoulés du stade alors qu’ils étaient munis d’un billet en bonne et due forme. Bloqués par la cohue et les dispersions par les forces de police, ils ont été les victimes d’une gestion déplorable de l’événement en général, de l’accueil et des supporters ainsi que de leur sécurité en particulier.


Certes quelques bandes, dont personne à part l’extrême droite n’a la certitude qu’elles étaient composées d’habitants de la Seine-Saint-Denis, ont leurré ou violenté des spectateurs, britanniques pour l’essentiel ; et parmi ces derniers, certains avaient voulu frauder, forcer le passage en venant sans billet ; tout ceci est inadmissible. Mais pourquoi avoir traité l’ensemble des supporters comme des délinquants en puissance ?


Le mensonge gouvernemental vient amplifier cette incompréhension. Le ministre de l’Intérieur et son homologue des Sports se sont fourvoyés dans une version des événements fallacieuse et scandaleuse, comme s’il s’agissait de défendre avant tout l’institution policière. Pourtant, aux accusations de 30 000 à 40 000 faux-billets annoncés par M.Darmanin, la réponse est cinglante. D’une part, des instances sportives, l’UEFA (confédération européenne du football) et la Fédération française de football viennent de rejeter ce chiffre, évaluant à … 2800 le nombre de faux-billets, loin d’une mécanique industrielle. D’autre part, et c’est là le comble, des voix au sein de l’institution policière déplorent cette gestion des foules qui a d’abord laissé place à la désorganisation puis agi fermement dans la précipitation. Les renseignements territoriaux avaient pourtant évoqué le risque de provocations de petits groupes, de réseaux de faux billets et la nécessité de sécuriser les abords du stade. Des pratiques qui sont pourtant courantes en France, qui est coutumière de l’organisation de ce type d’événements, y compris quand ils sont classés à risque.


Plutôt que de montrer les muscles, le ministère de l’Intérieur, et au-delà le gouvernement, devrait faire amende honorable et reconnaître des défaillances et des symptômes.


La première des défaillances, c’est cette communication irréelle qui a choqué, notamment en Grande-Bretagne. Le club de Liverpool et ses affidés sont pourtant connaisseurs de tragédies dans des événements similaires. La tragédie de Hillsborough reste dans l’histoire du club et du football anglais et a constitué une évolution dans la vie des groupes de supporters de ce club qui ont fait d’une éthique festive et non-violente leur marque de fabrique, notamment dans leurs déplacements. La deuxième défaillance, c’est d’avoir sous-dimensionné le dispositif de l’accueil et de la sécurité, en négligeant les alertes des renseignements territoriaux mais aussi en éludant une problématique récurrente : la privatisation d’une partie de la sécurité qui est en réalité confiée à des entreprises usant de sous-traitance et de moins disant, sans savoir-faire sur la gestion du public.


La mission que conduit actuellement le Sénat pointe ce problème, démontre les défauts, l’entêtement du gouvernement à ne pas reconnaître les erreurs. Pourquoi avoir nassé des heures durant les supporters restés calmes sous le pont entre le RER B et l’esplanade du stade ? Pourquoi la justice n’a-t-elle pas demandé les vidéos, dont on apprend par la FFF qu’elles ont depuis, faute d’avoir été réclamées, effacées ? Pourquoi avoir interdit à de nombreux journalistes étrangers de communiquer sur ce qui se passait à l’extérieur ?


Un symptôme majeur devra aussi être dépassé. Il faut analyser cette montée des violences dans et hors les stades dans notre championnat national. Elles sont probablement le fait d’un retour de violences de certains groupes locaux, d’un après-confinement qui a ouvert la voie à des comportements plus durs. Pour autant, le durcissement de la gestion des groupes des supporters uniquement vus sous le regard de la menace ont engendré interdictions et répressions incompréhensibles. Le maintien de l’ordre, si cher au locataire de la place Beauvau, est ici à réinterroger. Cet engrenage de tensions, qui a rejailli sur un événement concernant des équipes internationales, révèle surtout une nécessaire réorientation de la gestion des stades impliquant tous les acteurs du sport dont les groupes de supporters. Cela fonctionnera assurément mieux qu’une gestion méprisante de spectateurs perçus comme des foules menaçantes.


Il faut enfin se poser la question des prix des places, atteignant plusieurs centaines d’euros, qui rend désormais inaccessibles pour les classes populaires de voir leurs joueurs ou équipes préférées au stade. D’autant que de nombreux événements sont maintenant retransmis sur des chaînes privées payantes avec des tarifs d’abonnement qui ne sont pas accessibles à toutes les bourses. Il y a urgence ! Nous accueillerons le monde entier en 2023 pour la coupe du monde de rugby, et en 2024 pour les JOP. Pour que le sport reste une fête, une rencontre entre les peuples, un vecteur de fraternité et de solidarité, toutes ces questions doivent trouver une autre issue que celle de la finale de la Ligue des Champions.




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