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Pour un #MeeToo Société

Chaque semaine, des révélations publiques sont faites sur des cas d’agression sexuelles.

Actuellement, ce sont majoritairement des personnalités de la culture ou du sport qui expriment avec courage leur vécu ; c’est déjà une épreuve en soi, une étape d’un processus souvent long après des années de traumatismes. Que le courage de ces femmes soit salué car elles permettent de libérer toujours un peu plus la parole des victimes.


Parfois, ces agressions sexuelles ont eu lieu dès le plus jeune âge, à un moment où non seulement la parole des enfants n’était pas écoutée mais où les actes pédocriminels n’étaient pas considérés comme tels. Je veux d’ailleurs saluer le courage de l’ex-journaliste, devenu écrivain, Adrien Borne pour avoir parlé et ouvert la porte à des milliers de témoignages similaires.


Il serait réducteur de réduire ces situations au seul monde culturel ou intellectuel. Les violences sexistes et sexuelles contre les femmes et les enfants sont un problème systémique qui reste enraciné dans notre société.


Les prédateurs ne sont pas des bêtes mauvaises dans un environnement sain mais des hommes normaux qui bénéficient d’un ordre social rendant possible la commission d’actes de harcèlement sexuel, de viol et d’appropriation du corps de la victime.


Le cas de Judith Godrèche est à ce titre effrayant : cette actrice s’est retrouvée plongée dans un système d’emprise. Son corps, sa personne étaient à la disposition du mâle dominant d’un groupe, avec le laissez-faire, la complicité des parents de la comédienne mais également la complaisance de toute une profession. Cela nous parait anachronique quand nous revoyons les images et les propos de ce type de personnes mais c’est finalement tout un environnement d’impunité dans lequel ces prédateurs ont été nourris et servis. Le vocabulaire animal peut heurter mais il dit tout d’un fonctionnement abominable qui renvoie la victime à un rôle de servage, de dépossession.


Deux autres événements nous alertent sur le caractère systémique de ces violences et le continuum qui légitime le droit d’accaparer le corps des femmes, et même des enfants.


Il y a quelques jours, le collectif NousToutes manifestait pour dénoncer les 900 féminicides depuis l’élection du président M.Macron en 2017. Cette violence meurtrière n’est que la partie immergée d’un océan de violences sexistes et sexuelles qui se retrouvent dans tous les milieux sociaux.


Si la dénonciation des comportements punis par la loi progresse, le sexisme comme socle de légitimation des violences reste malheureusement encore trop puissant. C’est le Haut Conseil l’Egalité entre les femmes et les hommes qui nous alerte dans son rapport publié en janvier dernier.


Alors que la pornographie imprègne les imaginaires masculinistes sur les relations sexuelles, et cela dès le plus jeune âge, les formes de violences envers les femmes trouvent donc un écho notamment auprès des nouvelles générations. Véritable « backlash », un terme qui permet de dénoncer le retour d’une pensée rétrograde en réaction à la baisse du seuil de tolérance envers les comportements et mentalité sexistes.


Disons-le franchement, une société banalisant le sexisme provoque un continuum allant jusqu’aux agressions physiques et sexuelles. Les mots que nous employons traduisent une vision du monde social et se matérialisent dans des comportements.


Ainsi, toute formes de banalisation du sexisme dans le langage, mais aussi dans de nombreux relais médiatiques, contribuent à alimenter cet ordre social inégalitaire et violent.

Des comptes de réseau social qui valorisent le rôle d’une femme traditionnelle au foyer qui doit obéir à son mari aux pseudo-dénonciations de polémistes qui fustigent le « politiquement correct » au nom du « bon sens », tout y passe pour reléguer la place des femmes à un rôle prédéterminé et subalterne.


Pire, pendant que certains féminicides ou agressions sexuelles sont instrumentalisés à des fins racistes, une partie de la presse people banalise voire héroïse des situations tout aussi effroyables en parlant de « crimes passionnels ». La sordide émission TPMP a même fait pire récemment en se moquant d’une ancienne star de téléréalité qui racontait un viol subi il y a quelques mois.


La chaîne C News, partie avancée de l’extrême-droite, a même osé comparer l’interruption volontaire de grossesse (IVG) aux morts du cancer, remettant en cause le droit des femmes à disposer de leurs corps. C’est pour cela d’ailleurs qu’en ce 28 février, je voterai avec mes camarades parlementaires pour la constitutionnalisation du droit à l’IVG.


Nous vivons donc un moment contradictoire où la parole se libère, où le caractère systémique des actes sexistes et sexuels est reconnu institutionnellement.


Agir de manière sectorielle sera insuffisant. De l’école au lieu de travail en passant par l’espace public, c’est tout un cadre qu’il faut repenser et rebâtir ensemble.


Mais libérer la parole ne suffit pas, encore faut-il l’accompagner et lui donner suite.


Cependant, le manque structurel de formation et de moyens de la police et de la justice sur ces affaires, la dégradation sociale qui impacte les relations humaines et la résurgence actuelle d’idées réactionnaires alimentent un contre-récit. La mise en place d’une politique ambitieuse, financée à hauteur de l’ampleur du besoin est urgente.


Seul un vrai chemin de progrès social, accompagné d’une stratégie de prévention et de promotion qui refonde les rapports humains entre femmes et hommes, peut permettre d’en finir avec cette forme d’impunité insupportable.


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