Srebrenica : un génocide qui nous hante au présent

11 Juil 2025

L’horreur dans une bourgade, symbole de ce que une guerre peut produire de pire. Voilà à quoi nous font penser les images de Srebrenica, ville de Bosnie où le matin du 11 juillet 1995, les milices serbes menées par Radlo Madic et Radovan Karadzic décidèrent de séparer femmes, enfants, des hommes bosniaques, yougoslaves de confession musulmane. Alors que des forces de maintien de la paix, casques bleus de l’ONU étaient positionnés à des endroits stratégiques, l’offensive minutieusement préparée par les forces serbes mena au pire. 8 000 personnes furent froidement exécutées en quelques heures.

Dans la guerre qui décomposait la Yougoslavie d’alors, les différentes nationalités et confessions qui composaient cet Etat s’affrontaient par groupes armés, soutenus en cela par des Etats européens prompts à étendre leurs sphères d’influence dans l’ancien bloc de l’Est. C’étaient notamment les armées croates et serbes qui luttaient pour se partager l’ancien Etat socialiste et pratiquaient le nettoyage ethnique. 

Dans la perspective d’une « Grande Serbie », les généraux serbes voulaient purifier au nom d’une identité nationale et religieuse ce territoire. Un massacre systématique d’une population en raison d’une identité est caractéristique d’un génocide. S’il a fallu un temps judiciaire long pour faire reconnaitre l’intention génocidaire de ce massacre, la justice a tranché à plusieurs reprises : le Tribunal pénal international, juridiction ad hoc, pour l’ex-Yougoslavie en 1997 puis la Cour internationale de justice en 2007. 

De nombreuses questions méritent d’être creusées trente après. D’abord, l’inaction internationale, notamment de forces de l’ONU, qui étaient sur place le jour des massacres et qui n’avaient pas reçu ordre d’intervenir. Un an après le génocide des Tutsis au Rwanda, les institutions internationales démontraient leur faiblesse. Il faut ici souligner la responsabilité des Etats, notamment européens, qui avaient chacun leur soutien local (Croates pour les Allemands, Serbes pour la France et la Russie) et ont donc empêché une coordination efficace pour prévenir l’engrenage de la violence.

Par ailleurs, les accords de Dayton qui furent signés en décembre 1995 ont acté la partition de l’ancienne république socialiste mais les fractures restent béantes dans les Balkans. La Croatie et la Slovénie sont relativement stabilisées mais le reste des nouveaux Etats est toujours instable et miné par les divisions. La Bosnie-Herzégovine en est l’illustration : partitionnée en deux républiques autonomes, où l’on vit selon son origine (bosniaque musulman ou serbe orthodoxe), sous protectorat international. L’entité autonome serbe (Republika Sprska) alimente même des velléités séparatistes pour rejoindre la Serbie. 

La commune meurtrie de Srebrenica est devenue un lieu de mémoire, malgré les dénégations de la communauté serbe de Bosnie-Herzégovine et des officiels serbes. Ce génocide vient nous rappeler que le retour de la guerre en Europe n’est pas si récent. 

La guerre trouve toujours un terreau fertile dans les divisions, le rejet de l’autre, les logiques impérialistes. Si chaque entité est « chez soi », les nationalismes ne se sont pas apaisés. Les Serbes, les Albanais rêvent toujours d’une « grande patrie » au-delà de leurs frontières légalement reconnues. La légitimation des discours suprémacistes est affolante comme en témoigne le concert d’un chanteur croate glorifiant les oustachis, milices pro-nazies de la seconde guerre mondiale, en plein Zagreb il y a quelques jours avec la complicité du gouvernement…

Les manifestations récurrentes en Serbie où un mouvement citoyen et social puissant conteste la corruption des autorités, les mobilisations régulières en Bosnie révèlent que l’exigence de justice dépasse souvent les logiques identitaires. 

Malheureusement, les leçons de l’histoire n’ont pas été tirées. Trente ans après, un autre génocide est perpétré sur les rives de la Méditerranée. Télévisé, diffusé en continu sur Internet, que vaut notre humanité commune ? Une forme d’impuissance nous habite et si de nombreuses voix peuvent déplorer l’inaction des instances internationales, ce sont encore une fois les Etats qui sont responsables. Les grandes puissances laissent le massacre se faire au nom d’intérêts stratégiques ou parce qu’elles mènent des projets de destruction similaires. Les Etats européens sont au mieux insuffisants, au pire coupables. Trente ans après, des défenseurs des criminels assument sans vergogne leurs forfaits. Si l’urgence d’un cessez-le-feu prime sur tout pour cesser le cortège quotidien de victimes, le temps de la justice viendra. Même si le droit international est piétiné, les actions sont déjà entreprises par la Cour pénale internationale, de nombreux gouvernements auprès de la Cour internationale de justice. 

Une fois que les coupables seront condamnés, le droit sera renforcé, la dignité humaine reconnue et nous pourrons alors dire que nous ne revivrons plus jamais ça, vraiment. 

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