Nous n’aurons de cesse de le répéter : ce nouveau texte budgétaire résulte d’un tour de force de l’exécutif, qui s’enfonce dans une pratique autoritaire du pouvoir.
Après la censure, Emmanuel Macron a joué son numéro, désormais bien connu, du cycle de concertations stériles avant de feindre une rupture … en nommant l’un de ses soutiens de la première heure.
Les débats budgétaires ont donc repris là où ils s’étaient arrêtés, une situation anti-démocratique permise par un cadre constitutionnel qui laisse les mains libres au Président de la République pour imposer, envers et contre toustes, ses choix mortifères.
Depuis quelques semaines, le chantage gouvernemental infuse : mieux vaudrait un mauvais budget que pas de budget du tout. Il faudrait de la stabilité, quel qu’en soit le coût social.
Après avoir menti sur tous les plateaux en disant que le pays allait être mis à l’arrêt, les macronistes ont resserré l’étau pour presser le vote de ce nouvel exercice budgétaire.
Or, une clarification s’impose : 100% des crédits de 2024 pouvaient être reconduits pour 2025, en lieu et place des 25% actés par le gouvernement lors la mise en application de la loi spéciale. Cela aurait permis de dégager le temps nécessaire afin de mener un débat financier équilibré et proposer des solutions concertées.
Et le piège s’est refermé : la copie de Bayrou est encore plus austéritaire que celle présentée par Barnier.
Ainsi, dans le texte sorti de la Commission Mixte Paritaire, les recettes baissent de 6,2 milliards d’euros en plus des coupes prévues par Michel Barnier, et les dépenses de 6,4 milliards supplémentaires.
Pour le volet recettes, la fiscalité sur les hauts revenus et les grandes entreprises se limitent à des mesurettes temporaires, tandis que les nouvelles impositions sur le capital sont conçues pour en limiter au maximum le rendement.
Dans le même temps, alors que le gouvernement se fait grand opposant à l’impôt, la fiscalité pesant sur les ménages, notamment via l’augmentation des prélèvements sur l’énergie.
L’objectif de justice fiscale n’est plus qu’un lointain souvenir …
Pour le volet dépenses, les coupes sont drastiques, et dépassent largement les premières propositions. Au total, le texte acte une baisse de 23,5 milliards d’euros des moyens de l’État par rapport au budget 2024.
Le budget du ministère du logement est amputé de 1,5 milliards d’euros supplémentaires, quand celui du ministère du travail l’est 3 milliards d’euros ; le Ministère de l’Education nationale, déjà en proie à de profondes difficultés, perd 227 millions d’euros par rapport au budget Barnier, quand le budget du Ministère en charge des questions écologiques baisse de 2,6 milliards d’euros.
Quant aux collectivités territoriales, même si le gouvernement s’enorgueillit d’avoir écouté les élu.e.s inquiet.ète.s face aux restrictions imposées initialement, elles vont quand même devoir réaliser plus de 2 milliards d’économie…
C’est donc une nouvelle saignée austéritaire qui intervient dans un contexte où le chômage augmente encore au dernier trimestre 2024, que les plans de licenciement se multiplient et que la pauvreté progresse, notamment chez les étudiant.e.s alors que le budget des APL vient d’être réduit de 300 millions d’euros.
Le danger est réel alors que progresse partout la désespérance, terreau de l’extrême droite ; nos services publics sont le véritable socle de notre contrat social, et le seul rempart qui peut enrayer cette vague brune. Les affaiblir, c’est affaiblir notre démocratie et prendre le risque de sombrer durablement dans un véritable chaos social et environnemental.
Depuis 2007, nous vivons une succession de plans d’austérité, qui s’expliquent par l’hégémonie de la pensée néolibérale au sein de nos institutions, qui ne veut non plus seulement laisser faire le marché, mais mettre toute la société à son service.
Et pour tenir cet objectif anti-social, le poison de la division devient la clef de voute de cet édifice chancelant.
Il est d’ailleurs assez significatif de voir que les débats autour des finances pour 2025 se soient systématiquement accompagnés, sous le patronage du Rassemblement National, d’un discours xénophobe à l’encontre des personnes exilées, comme s’il pouvait raisonnablement être admis que diminuer le peu de moyens alloués à l’accueil serait bénéfique d’une quelconque manière, et permettrait de répondre à l’urgence sociale.
Et le drame est bien là : avoir réussi à faire croire que le budget d’un Etat relève de vérité mathématique, et non d’idéologie politique, et que l’équilibre budgétaire se fera en étant fort avec les faibles, et faible avec les forts. Derrière un discours qui veut s’attaquer aux profiteurs « du haut et du bas », le RN ne remet pas en cause le logiciel néolibéral, et s’inscrit dans la même voie qu’Emmanuel Macron : prioriser la sauvegarde des profits d’une petite minorité au nom d’un capitalisme bleu-blanc-rouge.
Une autre politique est possible, et l’exemple de notre voisin espagnol devrait inspirer l’exécutif. Grâce à une ambitieuse politique de relance, leur PIB a bondi de 3,2 %, un rythme quatre fois plus rapide que la moyenne européenne et en hausse de 0,5 point par rapport à 2023.
L’austérité n’est pas une fatalité, mais une idéologie mortifère qui plonge notre pays dans la précarité, l’instabilité et l’inhumanité.