13 novembre 2015. Une date à jamais gravée dans nos mémoires. Ce soir-là, plusieurs commandos du groupe État islamique, Daech, frappent le Stade de France, des terrasses de l’Est parisien et le Bataclan faisant 130 morts et plus de 400 blessés.
Un stade, une salle de concert, des bars ont été le théâtre macabre d’actes inqualifiables menés par des fanatiques qui ont choisi de « punir la France de son intervention en Syrie », au nom d’un Dieu qu’ils ont, en réalité, trahi.
Des hommes, des femmes, des innocents venus de tout horizon, tous et toutes victimes du terrorisme en plein cœur de Paris. Nous sommes nombreux à connaître des victimes, des familles de victimes. J’ai une pensée en cette journée pour notre ami et camarade Michel Delplace, qui a perdu sa fille Elsa et sa première épouse, Patricia, au Bataclan.
Ils et elles ont été tués car ils étaient vivants. Au sens premier du terme. Ce qui était visé c’était la liberté, la fête, la vie, la joie, la jeunesse, la musique, le sport. L’inverse du fondamentalisme religieux islamiste qui exècre ce mode de vie. Cette insouciance et cette joie d’être ensemble, de discuter, de débattre, de rire, de chanter, de danser, vola en éclat au rythme des tirs de kalachnikov des terroristes. L’effroi venait de saisir la France et le monde entier, quelques mois seulement après les attentats de Charlie Hebdo qui ont emporté notamment nos amis dessinateurs et journalistes et de l’Hyper Cacher, quelques mois avant l’attentat du 14 juillet à Nice.
Ces attaques furent les plus meurtrières en France depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale. S’en sont suivies des journées et des nuits de rassemblement aux quatre coins de la France pour rendre hommage, silencieusement ou dans les pleurs, aux victimes, pour saluer le courage de la BRI et des différents secours.
La France redécouvre aussi l’état d’urgence, les restrictions de circulation et un vocabulaire présidentiel martial et belliqueux, loin d’une politique cherchant à faire vivre la paix. Aux grands moments de communion a succédé une législation anti-terroriste, faite d’exception, et qui remet en cause un certain nombre de libertés publiques.
Au-delà des morts qui ont laissé derrière eux des veufs, des veuves, des orphelins, des parents sans enfants, il y a des centaines de blessés qui, dix ans après, tentent de continuer à vivre malgré leurs blessures physiques ou psychiques ineffaçables, dans leur chair, qui continuent à essayer de vivre malgré ces traumatismes que rien ne fait disparaitre. Combien sont-ils encore à ne pas pouvoir reprendre un semblant de vie normale ? Combien sont-ils à être terrorisés à l’idée d’un lieu public, d’un transport en commun ? Certains ont même mis fin à leur jour tant les suites de ce cauchemar sont insupportables.
Les dix mois de procès en 2021- 2022 ont mené à la condamnation à la perpétuité incompressible de Salah Abdeslam, seul membre survivant des commandos, la peine maximale pour cet acte de barbarie.
Aujourd’hui, 10 ans après, notre mémoire est intacte et notre douleur reste immense, indélébile. 10 ans après, nos pensées vont à chacune des victimes. 10 ans après, notre colère est toujours grande face à l’atrocité de ces actes et il importe de chercher à comprendre ce qui a conduit certains de nos concitoyens à emprunter le chemin mortifère, d’un obscurantisme religieux, d’un radicalisme haineux. Non pas pour excuser, mais pour comprendre.
Si nous voulons collectivement que de tels événements ne se reproduisent plus, ni sur notre sol, ni où que ce soit, il est urgent d’arrêter les politiques libérales à l’œuvre qui détruisent les services publics et les associations, qui minent la cohésion sociale, le lien, la culture, l’éducation, qui supprime les emplois. Les quartiers populaires ne sont pas remplis de terroristes comme voudrait le faire croire l’extrême droite. Mais le racisme, la haine, ne sont que des vecteurs d’un terrain favorable à la recherche parfois d’une idéologie radicalisée, qui peut elle-même déboucher sur l’engagement terroriste, avec de trop nombreux départs vers la Syrie pour grossir les rangs de Daesh.
Comme toujours, l’extrême droite, du RN aux ciottistes pointe des coupables idéaux, cochant leurs cases racistes, sans s’interroger sur les causes profondes. Les lois sécuritaires se sont multipliées ainsi que les lois contre l’immigration. Et pourtant le risque terroriste sur notre sol reste immense.
Et où était la France, lorsque des Kurdes, essentiellement des femmes, ont lutté pour faire reculer Daech ? Tout est pris à l’envers. La lutte contre le terrorisme suppose une politique cohérente au Moyen-Orient, ne serait-ce que de ne pas signer des contrats d’armements ou fournir les armes à des armées qui les refourguent directement ou indirectement à des groupes armés et terroristes, ne pas fabriquer des futurs semeurs de haine et verseurs de sang.
10 ans après, le terrorisme reste toujours une menace en France, en Europe et dans les régions du monde ensanglantées par la guerre et la misère. Il faut la combattre par des moyens d’investigation conséquents mais aussi par des politiques éducatives, sociales, véritablement républicaines. L’équilibre entre garantie des libertés publiques et lutte contre un péril sécuritaire est toujours difficile mais nous oblige pour rester fidèle à nos principes communs. Sacrifier nos libertés pour la sécurité n’a jamais été une réussite, au risque de perdre l’un et l’autre. En aucun cas, ce péril sécuritaire ne justifie d’alimenter une fracture sur des bases identitaires.
10 ans après nous n’oublions pas et rendons hommages aux victimes, aux vivants qui tentent chaque jour de faire résonner nos principes républicains et nos valeurs de Liberté, d’égalité et de fraternité.





