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Les mensonges d'Uber

Fabien GAY

21 juil. 2022

Tout le monde peut comprendre que le ministre de l’Economie et des Finances rencontre des chefs d’entreprises qui souhaitent installer une activité pourvoyeuse d’emplois sur le territoire. Là, n’est donc pas la question. Ce qu’a révélé le Consortium international des journalistes d’investigation, dont nos confrères du Monde, avec les Uber Files est d’une autre nature. Le lien a été étroit pour que le ministre favorise l’entrée d’Uber sur le « marché français », et casse le monopole des taxis, dont il y aurait d’ailleurs beaucoup à dire.

Mais Uber n’est pas une entreprise comme une autre. Son crédo : maxi-profit et piétinement du Code du travail. Les défenseurs des plateformes numériques crient à qui veut bien les entendre qu’« Uber a créé des milliers d’emploi ». C’est faux. Ce genre de propos relève soit d’une méconnaissance totale du sujet, soit d’un cynisme inquiétant. Uber ne crée pas d’emploi, sauf quelques dizaines d’emplois supports et de dirigeants ; Uber crée de l’activité, et c’est là une différence majeure. Sans doute faut-il prendre le temps de s’y attarder, car c’est toute une bataille idéologique qui se joue là.


Un emploi suppose qu’une personne devienne salariée d’une entreprise, qui lui verse donc un salaire et paie des cotisation sociales – ce que les libéraux appellent des « charges », et qui financent en réalité notre modèle social, tant attaqué par la macronie et son projet de Grande Sécurité Sociale. Le salariat ouvre des droits : d’arrêt pour cause de maladie, de chômage, de retraite et même de grève, etc. Et l’emploi suppose un lien de subordination entre l’entreprise et ses salariés.


Mais Uber n’embauche pas, désigne ses chauffeurs VTC comme « partenaires » tout en leur imposant le statut d’autoentrepreneur. Or, un travailleur indépendant décide de ses horaires et de ses clients, ce qui n’est pas le cas avec Uber. C’est bel et bien l’entreprise qui est donneuse d’ordre, à travers son application, son algorithme qui attribue les courses, et la rémunération dont elle décide. Il existe donc un lien de subordination entre les deux, mais qui est déguisé sous le masque de l’auto-entreprenariat par Uber.


Et l’entreprise n’est pas la seule dans ce cas ; les plateformes numériques de livraison à domicile telles que Deliveroo fonctionnent également de la sorte. À toutes fins utiles, on rappellera que la Cour de cassation a requalifié en contrat de travail le lien entre un livreur à vélo et une plateforme.


Et le cynisme atteint son paroxysme, lorsqu’on sait que le ministre de l’Economie et des Finances est en charge de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale, dont Uber est un des champions. Elle a réussi depuis sa création à « économiser » près de 500 millions d’euros dans le monde, grâce à un montage avec des dizaines de sociétés écrans dans tous les paradis fiscaux, des Bermudes aux Caïmans, avec la complicité des Pays-Bas pour la partie européenne.


Ni cotisations sociales, ni impôts, ni TVA. Voici le modèle qu’a favorisé le ministre Macron, et défendu coûte que coûte le Président Macron. Pendant cinq ans, il a tout fait pour qu’aucune proposition de loi ne puisse aboutir, dont celle des sénatrices et sénateurs communistes portée par Pascal Savoldelli pour donner des droits aux travailleurs des plateformes numériques. Business is Business !


Après l’affaire des cabinets de conseils, il est temps de se pencher sérieusement sur l’activité des lobbies et de reprendre la bataille pour qu’enfin, les travailleuses et travailleurs des plateformes numériques retrouvent leurs droits.

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